Si vous aimez le cinéma d'animation, ne ratez pas ce diptyque venu de Chine.
KMBO a sorti ce mercredi White Snake, adaptation animée d'une légende chinoise qui avait fait sensation lors de sa présentation lors du festival d'animation d'Annecy, en 2019. Réalisée par Ji Zhao (en collaboration avec Amp Wong) à partir d'un scénario de Damao, qui ont depuis signé le délirant New Gods : Nezha Reborn, cette histoire touchante de deux soeurs victimes d'une malédiction, Bianca et Verta, qui sont capables de se transformer en démons-serpents mais qui peinent à s'intégrer dans le monde des hommes, est bourrée d'inventivité, piochant dans les plus grands classiques du cinéma chinois pour raconter une belle histoire sur le courage et la transmission. Le film a d'ailleurs cartonné dans son pays d'origine, remportant 65 millions de dollars là-bas, si bien qu'une suite a immédiatement été commandée. Green Snake, qui suit à présent la soeur de l'héroïne, a fait encore mieux, empochant 90 millions de billets verts lors de sa sortie durant l'été 2021. Il est d'ailleurs déjà disponible sur Netflix depuis fin novembre, mais attention : mieux vaut avoir vu White Snake avant de se frotter à ce Green Snake, qui plonge au coeur de l'action en s'adressant à un public déjà conquis par le premier film ! Pour mieux le perdre et le surprendre ensuite, en multipliant les twists et changements de décors et de personnages à une vitesse folle.
La sortie de White Snake en France est certes tardive, mais elle est bienvenue, tant ce type de production mérite d'être vue sur grand écran. Voici notre critique :
Dans la Chine médiévale mythique, un paysan recueille une femme-serpent amnésique et se retrouve plongé dans un conflit immémorial entre démons de tous bords. Sorti en Chine en janvier 2019, White Snake est une nouvelle adaptation d'une légende déjà adaptée de nombreuses fois sur les écrans asiatiques : s’y sont frottés de très grands noms comme Kenji Mizoguchi (dans un segment des Contes de la Lune vague après la pluie), Tsui Hark (Green Snake en 1993 avec Maggie Cheung) ou Ching Siu-tung (Le Sorcier et le Serpent blanc, avec Jet Li en 3D, le tout en 2011), sans oublier le fameux Serpent blanc animé japonais de 1958... le sujet de la légende du serpent blanc (des amants maudits sur fond de mythologie) a attiré d’immenses artistes, et cette fois, le White Snake de 2019 est co-réalisé par Ji Zhao, autrefois monteur sur The Grandmaster de Wong Kar-wai, et qui a depuis signé le délirant Nezha Reborn, sorti en 2021 sur Netflix.
Revenons à nos moutons : cette nouvelle version animée provoque une fabuleuse excitation car non seulement c'est somptueux visuellement, mais également narrativement. Le rythme du film est épique à crever, enchaînant les bastons en forme de morceaux de bravoure, chacune semblant vouloir enterrer la précédente en termes d'ampleur. Tout en donnant vie à des personnages et des décors souvent incroyables, tirant partie des ressources infinies de l’animation – par exemple ce démon-renard artisan au double visage, vivant dans un monde parallèle farci de trouvailles visuelles fabuleuses. La suite de White Snake, Green Snake, est aussi dispo sur Netflix -mais, soyez prévenus, c'est tout de même bien meilleur sur grand écran.
Green Snake est-il à la hauteur de son aîné ? Vous l'aurez compris, au sein de la rédaction de Première, on a une préférence pour le premier, bien plus abordable et poétique que cette suite. Elle ne manque pourtant pas de qualités, mais part trop dans tous les sens pour être totalement convaincante. En voulant étoffer son univers et son bestiaire, le film tranche avec son prédécesseur en bousculant plein d'éléments établis dans White Snake : exit la Chine médiévale, la majeure partie de cette suite se déroulera dans un monde post-apocalyptique ! Oubliez la mise en scène virevoltante à la Tigre et Dragon, cette continuité bourrée de courses poursuites et d'effets 3D vous rappellera plutôt Mad Max... Mieux vaut s'y faire d'emblée : Green Snake ne sera pas dans la lignée directe de White Snake.
Asuraville est une cité moderne et maudite, qui se divise en différents clans (les démons-chevaux, les démons-ailés... dont quelques spécimens sont franchement bluffants, à l'image de la pieuvre géante ou la conductrice de bus-araignée). Verta va devoir y trouver sa place après avoir... perdu ses pouvoirs. La voir apprendre à conduire une moto ou manier de nouvelles armes est un pari intéressant, mais assez déroutant après l'avoir admirée si puissante dans le premier opus. L'histoire d'amour entre sa soeur et son compagnon humain est trop vite éclipsée (on ne saura jamais ce que devient le bébé de la scène d'ouverture, par exemple) pour se concentrer sur les deux femmes, dont les destins sont liés à travers le temps. Une idée forte sur le papier qui souffre cependant d'un manque d'explications claires sur le fonctionnement de cette mythologie, particulièrement alambiquée.
La première partie du film enchaîne les scènes d'action moderne et va si vite qu'on perd de vue le coeur de la quête de l'héroïne. Quand elle se pose enfin pour faire le point, commence à comprendre l'importance du lâcher-prise, puis tente de trouver un moyen de quitter Asura, c'est l'inverse : chaque introspection est très lente et appuyée. Une construction étrange, qui perdra sans doute plus d'un spectateur en route. Dommage, car en s'accrochant un peu, on assiste à du beau spectacle sur la fin : l'affrontement entre le moine tibétain et Verta retransformée en serpent est magnifique, l'animation repassant en 2D le temps de cette séquence unique qui joue avec le concept de réincarnation/boucle temporelle/répétition. La femme-renarde, dont on soupçonnait déjà les richesses de l'univers très particulier dans le premier volet, gagne en importance dans cette suite et nous laisse penser qu'elle mériterait d'avoir son spin-off, tant les mystères qui l'entourent sont intrigants. L'émotion est même au rendez-vous quand le personnage masqué se dévoile enfin, puis soutient l'héroïne jusqu'au bout, et que cette dernière parvient enfin à recoller les pièces du puzzle et à retrouver une once d'espoir de renouer avec sa soeur. On retrouve alors une certaine douceur, une sérénité qui parsemait White Snake, mais qui a été laissée de côté durant la majeure partie de cette suite. Quand la superbe musique du générique de fin retentit, le charme a enfin opéré et on ne peut s'empêcher d'attendre la prochaine mue du serpent vert et du serpent blanc...
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