Première
par Bernard Achour
Dieu qu’on était prêts à l’adorer, ce film ! Hélas, non. Pourtant, le pari théorique est relevé sans fausse note. L’exhaustivité documentaire propre à l’écrasante majorité des biopics est balayée, remplacée par un onirisme subjectif à base de gueules géantes, d’un double méphistophélique du héros et d’envols libérateurs à la Peter Pan. La ressemblance et le mimétisme hallucinants d’Éric Elsmonino à l’égard de son modèle sont cultivés jusqu’au vertige. Quant à la mise en images de Joann Sfar, elle est ample et parfois inventive. Sauf que l’essentiel se voit comme « ripoliné » par une admiration et une bienveillance paralysantes pour le personnage. Les démons de Gainsbourg ? On les voit à peine. L‘origine profonde de sa musique ? Un juke-box arbitraire de saynètes informatives suivies de clips. La nature de ses relations avec les femmes ? Un défilé de sosies où, pour une Laetitia Casta géniale en Bardot, la France Gall de Sara Forestier et la Juliette Greco d’Anna Mouglalis relèvent du bonus DVD, rubrique « Scènes coupées ». Faute
d’une progression dramatique digne de ce nom et d’une approche générale plus racée, le collage bio de morceaux choisis, sans tabac ni alcool (ou si peu), devant lequel on se retrouve souvent séduits, émeut cependant rarement.