Le débat sur le sexisme prend une ampleur sans précédent à Hollywood. De Patricia Arquette à Jennifer Lawrence en passant par Marion Cotillard et Emma Watson, revue d'armes.
Pendant des années, les femmes d'Hollywood ont tranquillement enduré les environnements sexistes au travail, la disparité salariale, l'absence de possibilité d'emploi à la fois devant et derrière la caméra et une industrie largement dominée par des hommes.
Mais 2015 semble marquer enfin un tournant et il ne se passe désormais plus une semaine sans qu'un grand nom du septième art ou une femme de renom ne fasse les gros titres dynamitant Hollywood et son rapport aux femmes.
Avec la révélation du scandale sexuel de Bill Cosby, la prise de parole très engagée d'Hillary Clinton dans la course à la présidentielle mais aussi la demande du pape François alors en visite aux Etats-Unis d'un traitement égale entre homme et femme dans la religion, 2015 a été marquée par une vague féministe dépassant les frontières d'Hollywood.
Il n'en fallait semble-t-il pas plus à la grande famille du cinéma pour faire entendre sa voix dans ce débat et que les actrices deviennent le porte-parole du mouvement.
Et que ce soit Emma Watson à la tribune des Nations Unis, Patricia Arquette lors de cérémonie des Oscars ou encore Jessica Chastain, Marion Cotillard et Lena Dunham, la prise de parole des stars se veut décomplexée, engagée et révolutionnaire.
"Nous avons besoin d'une révolution. Nous en avons vraiment besoin. C'est un monde d'hommes. La plupart des industries sont un monde d'hommes. Mais quand ça tombe en panne, ce sont les femmes qui font le job. Et sans nécessairement recevoir la reconnaissance", s'indignait Robin Wright au London Evening Standart.
"Je pense qu’il est juste qu’en tant que femme, je sois payée à l’identique de mes homologues masculins. Je pense qu’il est juste que je puisse prendre des décisions concernant mon propre corps. Je pense qu’il est juste que des femmes s’impliquent en ma faveur dans la politique et les prises de décision de mon pays. Je pense qu’il est juste que l’on m’accorde socialement le même respect que les hommes", scandait l'actrice d'Harry Potter.
"C'est maintenant le moment de réclamer le même niveau de rémunération pour les femmes aux Etats-Unis", déclarait l'actrice de Boyhood en février 2015.
"Où sont les histoires écrites par les femmes ? Où sont les réalisatrices, les scénaristes-femmes ? Ce n'est pas équilibré", s'interroge de son côté Keira Knightley.
Pour rappel, sur les 250 films ayant réalisé le plus d'entrées en 2014, sept ont été réalisés par des femmes et seulement deux dans le top 100 (Hot Pursuit d'Anne Fletcher et Pitch Perfect 2 d'Elizabeth Banks) et encore aujourd'hui la proportion de femmes dans l'industrie du septième art reste à un niveau désespérément bas – entre 5 et 20 % suivant les professions rappelle l'EECO (Equal Employment Opportunity Commission). En moyenne, entre 2007 et 2014, sur plus de trente mille personnages s'exprimant, 30 % seulement sont des femmes pointe du doigt une étude réalisée par l'école de journalisme et de communication USC Annenberg et relayée par Telerama.
"Il est de notre responsabilité en tant qu'artistes de dénoncer le manque de diversité dans l'industrie", expliquait dernièrement Jessica Chastain se plaignant du manque d'équité créative et du peu de rôle intéressant pour les femmes.
Rappelons que le rôle de Sandra Bullock dans Gravity était initialement écrit pour un homme, Emily Blunt a du faire face à la pression des cinéastes et des studios et se battre pour que son rôle dans Sicario ne soit pas remplacé par un homme. Combat relayée par Salma Hayek aussi, qui lors du dernier Festival de Cannes dénonçait l'absence à Hollywood d'investissement dans les histoires ciblées pour les femmes : "Notre seule valeur pour un film, c'est d'être considérées comme des objets sexuels. Voilà l'apport des femmes à un film. Mais, ma théorie c'est qu'aujourd'hui il y une opportunité pour les femmes. Nous représentons une force économique majeure. Si l'industrie du film va mal aujourd'hui c'est parce que nous les femmes n'en avons rien à faire de leurs films, et les grands studios essaient de comprendre pourquoi. Et s'ils commençaient à faire des films qu'on aurait envie de voir, par exemple ? Les grands chefs des studios se disent 'femmes = films de filles, comédies romantiques'. Vous savez quoi? Nous valons mieux que ça"
Puis, quand involontairement quand Sony s'est fait pirater ses comptes mail c'est la question de l'inégalité de rémunération homme-femme qui a fait scandale, en révélant dans un échange entre dirigeants que que le salaire de Jennifer Lawrence (dans American Bluff) était inférieur à celui de ses co-stars de sexe masculin.
Et que ce soit avec humour ou façon coup de gueule, aujourd'hui de Kristen Stewart à Kevin Bacon en passant par Natalie Portman, Cate Blanchett ou encore Jennifer Lawrence dans une tribune engagée, c'est toute le monde du septième art qui dénonce à l'unisson le sexisme ambiant à Hollywood.
En mai, l'American Civil Liberties Union mandatée par le gouvernement américain a lancé une enquête sur la discrimination entre les sexes dans le recrutement des réalisateurs hommes et femmes au cinéma et à la télévision. "Je pense que c'est incroyable que nous syons arrivés à ce point de basculement", réagissait Cathy Schulman, présidente de Women in Film. "Mais plus grande crainte est que nous n'arrivions pas à opérer le changement . Nous avons réussi à rassembler tellement monde, toutes ces voix, maintenant nous devons faire la différence".
Une crainte partagé par Emma Thompson qui avançait dernièrement que le sexisme hollywoodien n'a fait qu'empirer dans le domaine de la réalisation, point de vue confirmé par Liv Tyler, Maggie Gyllenhaal et Patricia Arquette : "Je ne pense pas qu'Hollywood soit prêt à changer. Ou au moins jusqu'à ce qu'on lui tordre le bras".
Mais, comme le souligne Variety, optimiste, il y a des signes encourageants : le petit écran ouvre la voie à la diversité des voix à la fois devant et derrière la caméra et la publication rappelle que de nombreux blockbusters de cette fin d'année 2015 ont été soit réalisés par des femmes, soit portés par des personnages féminins avec Miss you already, Carol, ou encore l'adaptation de Jem et les Hologrammes - basé sur un dessin animé culte sur une star de rock féminin - sans oublier Hunger Games: La Révolte - Partie 2.
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