Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
ROULEZ JEUNESSE ★★★☆☆
De Julien Guetta
Plus encore qu’un savant art du twist, le premier film de Julien Guetta manie tout au long de son récit de sensibles et inspirées ruptures de ton. L’histoire d’Alex, dépanneur automobile qui travaille dans le garage de sa mère, démarre comme une comédie générationnelle haute en couleur sur un « adulescent » contraint de passer ses journées à bord de sa dépanneuse.
Damien Leblanc
Lire la critique de Roulez jeunesse en intégralitéPREMIÈRE A AIMÉ
HOTEL ARTEMIS ★★★☆☆
De Drew Pearce
Il est amusant de constater comment parfois certaines idées tordues circulent dans le zeitgeist de la série B hollywoodienne : en l'occurrence, le concept rigolo d'un hôtel clandestin où malfrats et assassins peuvent se soigner en toute discrétion est l'idée fondamentale aussi bien de John Wick que de cet Hôtel Artemis.
Sylvestre Picard
UNE PLUIE SANS FIN ★★★☆☆
De Dong Yue
Comme dans l’impressionnant Black coal, dont Une pluie sans fin reproduit la même ambiance poisseuse, le contexte industriel provincial au tournant du millénaire sert de décor à une enquête sur une série de meurtres de prostituées. Deux autres films ayant servi de modèles (Seven et Memories of murder), il devient vite évident que l’enjeu n’est ni le suspens (la lenteur délibérée servant à faire partager l’effet de lassitude et de désespoir), ni la résolution : on sait qu’il n’y en aura pas.
Le réalisateur et ancien chef-opérateur Dong Yue reconstitue l’effondrement d’une Chine provinciale dont les habitants sont représentés comme des zombies anonymes, leurs visages disparaissant sous les capuches dans un plan impressionnant qui a servi pour l’affiche. Tous dépendent de l’usine dont la fermeture imminente les condamne au chômage. Le tueur symbolise la cause insaisissable de ce chaos programmé. Mais à la différence de Jia Zhangke, qui observe la Chine contemporaine avec ce qu’elle a de nouveau (pour le meilleur ou pour le pire, peu importe), Dong Yue propose une vision délibérément pessimiste en ne montrant que ce qui disparaît. Autrement dit, on sait ce qu’on perd, c’était moche et monstrueux, mais on ne sait pas ce qui va y succéder. Pendant deux heures, la bande-son diffuse le bruit ininterrompu de la pluie, si bien que lorsqu’elle s’arrête, c’est un soulagement. Alors, la neige se met à tomber. Au spectateur de décider si c’est un progrès ou non.
Gérard Delorme
CONTES DE JUILLET ★★★☆☆
De Guillaume Brac
Sur les traces d’Eric Rohmer, Guillaume Brac filme des jeunes gens en fleur et les met à l’épreuve de leurs désirs et leur propre morale…
Le titre fait Rohmer. Les deux court-métrages qui constituent ce programme long, un peu moins. Quoique. Il y a chez Guillaume Brac – dont le formidable documentaire L’île au trésor a emboîté le pas desdits films – la volonté comme son glorieux aîné d’explorer des territoires vierges de cinéma pour y jouer et déjouer les jeux de l’amour et du hasard. Dans le premier conte, « L’ami du dimanche » - distingué récemment du Prix Jean Vigo - l’île de loisir de Cergy-Pontoise voit un garçon tourner autour de deux jeunes filles en fleur qui réagissent différemment à ses assauts amoureux. Dans l’autre, « Hanne et la fête nationale », la Cité Universitaire de Paris est également le théâtre d’une parade où une étudiante norvégienne à l’embarras d’un choix dont elle se serait bien passée.
Guillaume Brac manie avec une troublante finesse le basculement de rapports de force entre des êtres engagés dans les voies du désir physique et cérébral. De la même façon que son long-métrage Tonnerre s’enfonçait dans une noirceur paranoïaque insoupçonnée, ces contes estivaux atteignent des points de rupture soumis aux lois d’attraction/répulsion. Dans le second opus du programme, c’est carrément un flash info évoquant les récents attentats de Paris qui vient replacer la violence du réel au centre des (d)ébats. La mise en scène aussi légère que précise rend parfaitement compte de ces directions faussement anodines. Les interprètes tous inconnu(e)s, ont la candeur d’une première fois et la force de ceux qui, pour autant, ne s’en laissent pas conter si facilement. Une complète réussite.
Thomas Baurez
VIERGES ★★★☆☆
De Keren Ben Rafael
Repéré avec L’aurore boréale, beau court réunissant Ana et Hippolyte Girardot, Keren Ben Rafael réussit son passage au format long avec ce singulier récit initiatique centré sur Lana, une ado de 16 ans étouffant dans la station balnéaire israélienne où elle vit tant tout n’y semble qu’immobilisme et résignation. Jusqu’au jour où la rumeur d’une sirène évoluant dans les parages va sortir ce petit monde de sa torpeur. Y compris les plus incrédules comme Lana. Entre réalisme trivial et fantastique fantasmé, la cinéaste a choisi ici… de ne pas choisir. Ce qui permet à ce portrait d’ado rebelle de transcender le cahier des charges de ce genre de films (relation conflictuelle avec sa mère, désir de perdre sa virginité au plus vite…) jusqu’à une conclusion très subtile. Le tout porté par l’énergie de son interprète principale, Joy Rieger.
Thierry Cheze
C’EST QUI CETTE FILLE ? ★★★☆☆
De Nathan Silver
Rom’ com’, thriller amoureux ou trip halluciné, l’ovni burlesque C’est qui cette fille ? ne choisit pas, fondant les genres pour un résultat radicalement loufoque. Pure émanation de la scène indé newyorkaise, le film suit une hôtesse de l’air américaine en escale à Paris. Après une nuit avec Jérôme (Damien Bonnard, super en goujat moustachu), Gina, sorte de Barbie abreuvée de comédies romantiques (Lindsay Burdge), décide de rester pour lui. Il n’en veut pas, elle va donc le harceler. De Paris, telle une touriste frappadingue, Gina ne veut voir que Jérôme. Une obsession bien rendue par Sean Price Williams, chef op’ de Good Times qui nimbe la capitale d’un halo féérique à la Douglas Sirk, soulignant l’inquiétante obsession de Gina. Tel un blob amoureux, elle s’infiltre, coûte que coûte. Fallait pas l’embrasser.
Anouk Féral
THE CHARMER ★★★☆☆
De Milad Alami
C’est l’histoire d’une fuite en avant dont on devine dès le départ qu’elle va droit dans le mur. La chronique d’une tragédie annoncée. Celle d’un jeune et charmant Iranien installé au Danemark où il travaille comme déménageur. En tout cas le jour puisque ses nuits, il les consacre à une autre quête : séduire des Danoises en espérant qu’une veuille l’épouser et lui permettre d’obtenir ce permis de séjour qui le protègerait d’une expulsion qu’il devine certaine à plus ou moins terme. Jusqu’au jour où il tombe amoureux d’une étudiante d’origine iranienne et qu’il se retrouve alors au coeur de cette communauté de Persans de la classe supérieure qu’il avait d’abord évitée. A juste titre puisque cette fréquentation ne fait que renforcer la nostalgie de son pays et son mal-être. Tout à la fois drame passionnel, suspense et film social, ce premier long métrage de l’iranien Milad Alami (installé depuis 10 ans au Danemark) est dominé par un sentiment de noirceur étouffant qui en fait sa force mais aussi ses limites. Quand le cinéaste donne parfois l’impression de faire traîner les choses en longueur pour en rajouter dans cette spirale infernale. Des petits défauts qui n’empêchent pas de saluer ces débuts de haute tenue.
Thierry Cheze
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
LA SAISON DU DIABLE ★★☆☆☆
De Lav Diaz
Au départ, La saison du diable devait être un film noir. Mais Lav Diaz, choqué par les violences perpétrées par le shérif Duterte dans son pays, et plus généralement inquiet de la marche du monde symbolisée par l’accession de Donald Trump au pouvoir, s’est mis à composer des chansons engagées. 33 morceaux exactement. Le projet de polar s’est changé en « opera-rock », précisément en une épopée musicale de 4 heures sur les Philippines de Ferdinand Marcos - Une époque sanglante marquée par la torture, les crimes d’Etat et la loi martiale imposée au peuple par le dictateur corrompu, resté deux décennies au pouvoir, entre 1965 et 1986. Hélas, le film semble aussi interminable que cette ère encore controversée aujourd’hui. On y supporte de (très) répétitives complaintes, captées en de (très) longs plans fixes en noir et blanc. L’œil est d’abord happé par les compositions visuelles, prisons graphiques élaborées avec un grand objectif 9:8, et dont les bords ont été rabotés en 4:3 pour en augmenter le pouvoir anxiogène. Quelques visions surréalistes surprennent ça et là, amorçant les bribes prometteuses d’un poisseux cauchemar fantastique. Mais la monotonie gagne presque instantanément ce film-concept à l’austérité harassante. Dès les premières notes du musical, en réalité. Car la dénonciation de la gangrène fasciste, plus pataude qu’inspirée malgré le soin que porte le réalisateur à en présenter les différents masques, n’est jamais illuminée ou déréglée par l’interprétation des chansons : psalmodiées in extenso et a capella, elles demeurent désespérément atones. La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que la purge diazienne ne dure qu'une saison. La mauvaise, c’est qu’elle semble durer le triple.
Eric Vernay
MAMMA MIA : HERE WE GO AGAIN ★★☆☆☆
De Ol Parker
Alternant entre flashbacks, racontant comment la jeune Donna avait atterri sur cette île, et scènes dans le temps réel montrant Sophie face à des difficultés similaires à celles de sa mère, Mamma Mia : Here we go again hésite entre suite classique et prequel. Le rythme en pâtit, le film ne trouvant jamais le bon tempo, malgré une bande originale qui reprend les classiques du groupe suédois (les mêmes à quelques exceptions près que dans le premier). Dommage, d’autant que l’idée du prequel était bonne, et permet de révéler l’étendue des talents de Lily James, qui joue la version jeune de Donna. L’un des points forts de cette suite, c’est d’ailleurs son casting. Les vétérans de Mamma Mia sont toujours aussi impeccables, et le duo formé par Christine Baranski (Tanya) et Julie Walters (Rosie) notamment est des plus savoureux. Les petits nouveaux n’ont pas à rougir non plus, en particulier Jessica Keenan Wynn et Alexa Davies qui avaient justement la responsabilité de reprendre les personnages exubérants de Tanya et Rosie.
Christelle Devesa
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