Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
PETITE MAMAN ★★★★☆
De Céline Sciamma
L’essentiel
Quand la mort d’une grand- mère entraîne une petite fille dans un voyage délicieusement surnaturel vers… l’enfance de sa mère. 72 minutes d’une délicatesse inouïe, filmées à hauteur d’enfant. Céline Sciamma à son meilleur
Alors qu’elle vient de perdre sa grand- mère, Nelly, une petite fille de 8 ans, part avec ses parents vider avec ses parents la demeure de cette mamie qui fut de fait la maison d’enfance de sa mère qui y avait construit une cabane devenue son refuge. Et c’est là qu’elle rencontre Marion une petite fille de son âge. Entre elles, le coup de foudre amical est immédiat comme si elle se reconnaissait. D’ailleurs, explique Nelly, elles se connaissent. « Je suis ta fille » lance t’elle à Marion, pas plus étonnée que cela, qui lui répond simplement. « Alors, tu viens du futur ? ». C’est ainsi, alors que la « vraie » mère de Nelly semble avoir disparu, que Petite maman bascule sans en avoir l’air vers le fantastique dans un voyage surnaturel semblable à un jeu de rôles d’enfants.
Cette escapade inattendue raconte la beauté enveloppante du film de Sciamma. Sa capacité d’abord à écrire et filmer à hauteur d’enfants. Cela explique pourquoi le surnaturel surgit ici sans jamais briser la ligne claire du récit mais comme le prolongement d’une apparente chronique sur le deuil qui se métamorphose en récit initiatique puis réflexion sur la transmission. Rien ici ne passe par la cérébralité. Tout est affaire de sensations, d’une atmosphère propice à l’abandon et au retour vers sa propre enfance. Et si en 72 minutes Céline Sciamma avait signé son plus beau film à ce jour ?
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
PLAYLIST ★★★☆☆
De Nine Antico
Playlist premier long de Nine Antico est un Masculin féminin godardien version 2021 – il partage son caractère ludique, imprévisible et sociétal - où le féminin l’emporte haut la main. On suit Sophie (savoureuse Sara Forestier, notre « Jean-Pierre Léaud » d’aujourd’hui), une jeune serveuse qui aspire à devenir autrice de B.D et cherche peut-être l’amour. Les prétendants ne manquent pas, mais qui sera à la hauteur des espérances ? Nine Antico parle avec justesse et drôlerie des incertitudes qui mènent la danse d’une vie dont on guette les promesses. Le fait que sa Playlist surgisse au moment où le monde redécouvre le vivre ensemble après un an de brouillard, décuple l’effet produit. Hasard peut-être, il y a toutefois cette certitude que le film, quoiqu’il advienne, est à l’heure juste.
Thomas Baurez
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BILLIE HOLIDAY, UNE AFFAIRE D’ETAT ★★★☆☆
De Lee Daniels
C’est une apparition dans tous les sens du terme tant sa composition pour son premier grand rôle sur grand écran va au- delà du sans faute. A mille lieux de toute imitation, Andra Day trouve un chemin à elle et rien qu'à elle pour exprimer Billie Holiday, la chanteuse éblouissante comme la femme tourmentée, dans toutes ses forces et toutes ses failles. Derrière la caméra, Lee Daniels a, lui, eu la bonne idée, de ne pas raconter la chanteuse de A à Z et de se concentrer sur un pan de son existence quand, dans les années 40, après le scandale provoqué par sa chanson Strange fruit, elle est la cible du Département Fédéral des stupéfiants. Comme souvent, sa réalisation riche en effets a tendance à en faire toujours un peu trop et peut finir par desservir le propos. Tout en rendant l’interprétation justement dépouillé de tout artifice d'Andra Day encore plus renversante.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéDES HOMMES ★★★☆☆
De Lucas Belvaux
Ca commence comme dans un mauvais téléfilm : une réunion d’anniversaire dans une salle des fêtes communale est perturbée par l’arrivée du pochtron local. Gérard Depardieu vitupère, bouscule, puis est expulsé par quatre hommes, scène paresseusement montée au ralenti pour mieux en montrer la violence. Ce Bernard terrorise ensuite, chez elle, une famille d’origine arabe. Flash-back. On retrouve Bernard, jeune appelé en Algérie à l’époque des « événements ». Taiseux, attentiste, il assiste, sans y participer mais sans les dénoncer non plus, aux actes répréhensibles de certains de ses camarades. Les horreurs de la guerre s’insinuent dans cet esprit faible, épris de religion mais incapable d’empathie. N’a-t-il pas traité sa sœur mourante de « salope » après qu’elle a accouché d’un enfant illégitime ? L’Algérie aura fini de briser cet homme fragile qui se reconstruira par la violence et la haine, seul moyen pour lui de survivre, mais à quel prix. En adaptant le roman de Laurent Mauvignier, Lucas Belvaux signe un film profond qui va à rebours de notre époque consensuelle en s’intéressant aux conséquences du stress post- traumatique chez les soldats français mais aussi chez les Harkis, les oubliés perpétuels de l’Histoire. Pas de contrechamp sur le camp d’en face mais des réflexions du type « Si j’avais été algérien, j’aurais sans doute été un fellaga » témoignent d’une humanité déboussolée et, au- delà, du caractère universel de l’angoisse existentielle et du désespoir en temps de guerre.
Christophe Narbonne
NOBODY ★★★☆☆
De Ilya Naishuller
Hutch Mansell est un monsieur tout-le-monde de la classe moyenne, perdu dans le triptyque métro-boulot-dodo. Sa famille le voit comme un loser mais une tentative de cambriolage va le faire vriller et réveiller en lui des instincts très violents, ainsi que des compétences létales insoupçonnées… Ça ressemble à John Wick ? Normal : Nobody est écrit par Derek Kolstad (scénariste de la trilogie) et est produit par David Leitch (co-réalisateur du premier volet). Bob Odenkirk n’est pas Keanu Reeves, mais le contre-emploi va très bien au teint de l’acteur de Better Call Saul, qui trouve ici un rôle physique dans lequel personne n’osait l’imaginer. Indéniablement la grande attraction du film, qui ne nous prive jamais du plaisir simple de le voir distribuer les bourre-pifs et de tenter de se réinventer en Jason Statham. Une transformation prise au premier degré par Ilya Naishuller (réalisateur d’Hardcore Henry), qui semble beaucoup s’amuser à déifier le pékin moyen qui lui sert de héros, dans des scènes d’action bien chaloupées. Jusqu’à un troisième acte tendance Maman, j’ai raté l’avion, où il laisse définitivement de côté toute forme de réalisme pour partir vers le cartoonesque, avec Christopher Lloyd tirant sur tout ce qui bouge. C’est indéniablement rigolo, mais aussi la limite d’un film qui a fait le tour de son sujet en une heure et se voit obligé de terminer avec un déluge un peu artificiel de feu et sang. Restent de très beaux morceaux de bravoure et un divertissement solide, qui ne ment jamais sur la marchandise.
François Léger
LES SEMINARISTES ★★★☆☆
De Ivan Ostrochovsky
Un noir et blanc sublime aux contrastes savamment travaillés, une mise en scène au cordeau dominée par des plans fixes. Les Séminaristes s’impose d’abord comme une merveille formelle. Mais ici forme et fond ne font qu’un pour traduire le sentiment d’oppression vécue dans la Tchécoslovaquie des années 80 par deux jeunes séminaristes en lutte contre le régime communiste qui musèle l’Eglise et punit violemment toute résistance. Nulle place ici pour les scènes chocs. Tout est suggestion. Le film d’époque auquel on pense d’abord assister se mue très vite en un véritable thriller horrifique où la traîtrise et la mort peuvent surgir à chaque instant. Une tension encouragée par le tempo lancinant du récit qui traduit physiquement l’étouffement de cette époque, une poignée d’années avant que la chute du Mur de Berlin fasse souffler un temps un vent de liberté. Un magnifique geste de cinéaste.
Thierry Cheze
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
MERE ET FILLE ★★☆☆☆
De Jure Pavlovi
Jasna a fui la Croatie pour trouver en Allemagne un bonheur impossible chez elle. Le premier long de Jure Pavlovic s’intéresse au retour de cette quadra désormais mariée et mère de deux enfants dans son pays natal pour venir au chevet de sa mère malade et acariâtre. La remontée à la surface de blessures trop longtemps tues afin de solder une fois pour toutes des comptes anciens ne fait très vite guère de doute. Ce déroulé paresseux de moments attendus est le point faible d’un film bien plus intéressant par sa mise en scène et son parti pris de suivre le récit en se concentrant sur Jasna. Celle- ci est toujours au cœur de l’image alors que sa mère est au bord du cadre ou le plus souvent floue, comme si Jasna n’osait jamais vraiment la regarder franchement ni l’affronter. Une sensation d’étouffement vous saisit alors pour ne plus vous lâcher jusqu’à une dernière ligne droite hélas convenue et déceptive
Thierry Cheze
MISSION PARADIS ★★☆☆☆
De Richard Wong
Remake du film belge Hasta la Vista, Mission Paradis met en scène trois hommes que le handicap réunit dans un road-movie à la fois grave et délirant. Leur voyage initiatique vers une maison close au Québec permet d’aborder la solitude amoureuse et le sentiment d’exclusion des handicapés. Touchant, mais aussi drôle - et même musical, grâce aux raps de Grant Rosenmeyer-, ce film contribue à lever le voile d’indifférence du public sur le handicap. On regrettera pourtant que le ton soit parfois un peu sage et les personnages trop monolithiques. Cependant, Mission Paradis confirme le talent de Gabourey Sidibe, la révélation de Precious, qui dans le rôle de la conductrice de mini-bus apporte sa sensibilité à fleur de peau et une dimension plus romanesque.
Sophie Benamon
PREMIÈRE N’A PAS AIME
SUZANNA ANDLER ★☆☆☆☆
De Benoît Jacquot
Ce n’est pas vraiment étonnant de voir Benoît Jacquot adapter la pièce éponyme de Marguerite Duras : tout, dans son cinéma, l’amenait à la froideur durassienne, à cet assèchement de la sentimentalité par le verbe. Dans Suzanna Andler, huis clos étouffant dans une maison de bord de mer, il est en effet beaucoup question d’amour et de ses corollaires, la jalousie et le mensonge. Une femme (Charlotte Gainsbourg) y parle de son mari - qu’on ne verra jamais mais qu’on entendra au téléphone - à un agent immobilier, à son amant et à l’ex maîtresse de celui qui occupe leurs pensées à tous. La mise en scène est élégante et théorique (il y a environ cinq mouvements dans le film, chorégraphiés différemment) mais le film est dépourvu de chair et d’âme. L’ennui et le spleen de Suzanna sont les nôtres.
Christophe Narbonne
VILLA CAPRICE ★☆☆☆☆
De Bernard Stora
Un très puissant industriel français, accusé de trafic d’influence, se résout à engager un ténor du barreau capricieux (pardon) pour assurer sa défense. Les deux hommes vont préparer le procès dans une somptueuse villa du Sud. Villa Caprice semble vouloir asséner de grandes leçons sur la politique et la justice, mais n’a clairement pas les épaules pour un aussi gros programme : le face-à-face en huis clos des deux acteurs principaux est éludé, les dialogues pompeux tombent à plat, le pitch machiavélique dégonfle très vite… Dommage, car on trouve ça et là l’esquisse d’un beau film sur le personnage de débarbot tourmenté incarné avec doigté par Niels Arestrup. Et dommage pour Patrick Bruel, au capital sympathie toujours intact, qui fait tout pour croire vraiment à son rôle.
Sylvestre Picard
Et aussi
All my life de Marc Meyers
Chacun chez soi de Michèle Laroque
Les Ours gloutons de Alexandra Hetmerova et Katerina Karhankova
Reprises
The Amusement Park de George Romero
Juliette ou La clé des songes de Marcel Carné
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