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Vent du Nord débute comme un film social classique dans lequel Hervé, ouvrier et père de famille vivant dans le Nord-Pas-de-Calais, accepte sans broncher la délocalisation de son usine et songe à sa reconversion… avant que la narration ne prenne un tour inattendu en dévoilant quelques mois plus tard l’existence de Foued, jeune célibataire de la banlieue de Tunis qui a trouvé du travail dans l’usine relocalisée. Par cet élargissement du regard qui alterne les récits entre France et Tunisie, la chronique se transforme en passionnante fresque socio-économique, pleine de rebondissements, qui dresse des ponts entre les destins de ces deux travailleurs : même dépendance à l’argent, mêmes frustrations face à une administration inadaptée à leurs envies de carrière, même horizon bouché par le turn-over de la mondialisation. Loin de l’objet théorique et figé, cette fable contemporaine fait au contraire la part belle aux changements de tonalités : plus facétieuse dans sa partie française (où brille Philippe Rebbot en pêcheur exalté) et plus axée sur le désir amoureux dans sa partie tunisienne, cette œuvre polyphonique porte haut la lutte quotidienne pour la dignité et l’affranchissement. Et si le mur brutal du réel se dresse dans les deux cas sur la route des personnages comme pour les pousser à l’action, l’effet miroir que dessine ce premier film tenace et engagé contient jusque dans le dernier plan une force lucide et salvatrice.