-
On a pu lire un peu partout à la sortie du premier Venom qu'il s'agissait d'un des pires films de super-héros jamais vus. C'est évidemment très exagéré comme résumé : rattrapé chez soi, Venom était une origin story pas si désagréable, de dimensions modestes, qui valait surtout pour la perf rigolote, un brin maso, de Tom Hardy. C'était il y a quatre ans, il y a un siècle, il y a une éternité. La suite a tout de suite un air un peu plus intrigant : elle met en scène Carnage, l'un des plus grands méchants du monde de Spider-Man, et elle est signée Andy Serkis.
Avec un tel nom aux manettes de Venom 2, on se mettait déjà à théoriser quelque chose sur le double, sur le dialogue entre l'acteur et son rôle vu comme un monstre dévorant, bref sur la baston entre Gollum et Sméagol. On va mettre les choses au point tout de suite : Venom : Let there be carnage (on peut préférer le titre québécois : "ça va être un carnage") n'a strictement aucune prétention dans ce sens-là. Le dialogue schizo entre Tom Hardy et lui-même ne va pas chercher plus loin que ce qu'on voit à l'écran : un acteur qui s'amuse à se bousculer gentiment, à dire quelques gros mots, à ravager son appart, donner des surnoms à des poules domestiques et à se barbouiller de ketchup.
Sa durée incroyablement réduite (1h37 !) lui donne, comparé aux autres blockbusters démesurés et souvent longuets du Marvel Cinematic Universe, les dimensions d'un épisode de sitcom. C'est peut-être la meilleure manière de l'envisager ? Hardy, également producteur et co-scénariste, fait de ce micro-film sa propriété exclusive, laissant juste un peu de place pour que Woody Harrelson s'amuse un peu en Carnage.
Du reste, Venom 2 ne fait aucun effort pour qu'on l'apprécie : son écriture inconséquente et son montage instable (les mêmes plans d'ensemble de la skyline de San Francisco servent de transitions tout au long du métrage) sautent aux yeux et donnent l'impression d'un film dénué de toute structure et de vision. Sans ambition. Sans queue ni tête. Et c'est dommage, parce que cela gâche les séquences vraiment fun de Venom 2 comme l'évasion de Carnage de prison, ou cette scène de la boîte de nuit où Venom fait un motivational speech complètement absurde. Par rapport aux autres films du MCU, publiquement vertueux, à la prudence et à la propreté qui se veulent irréprochables, à l'écriture et aux enjeux de plus en plus inoffensifs, c'est sûr que ce n'est pas la même tisane.
Voilà pourquoi on ne peut que trouver Venom : Let There Be Carnage un peu sympathique, au fond -et on vous conseille de regarder Breathe, le premier long de Serkis en tant que réalisateur, un joli drame fifties "d'après une histoire vraie" avec Claire Foy et Andrew Garfield, en VOD sur Amazon, par exemple. Vous avez bien sûr le droit de considérer tout cela comme une posture critique snobinarde, mais par rapport à ce qu'on lit déjà un peu partout sur Venom 2 (une horreur des mêmes dimensions que le premier, en gros), est-ce que c'est si exagéré ?