Première
par Sylvestre Picard
Et soudain, l’imprévu : un réacteur cale, l’identité d’un protagoniste se révèle fausse, un personnage se téléporte, une alarme ou une explosion se déclenchent... Tout l’intérêt de Star Trek Into Darkness réside dans ses ruptures scénaristiques. Dès qu’une scène s'éternise, une surprise vient relancer l’énorme machinerie des aventures de l’équipage de l’USS Enterprise. Ici, la nécessité du rythme l’emporte sur celle de la cohérence. Né en 1966, comme la série originale et ses expérimentations SF, J.J. Abrams préfère la magie du pulp space opera pur jus. Grand prêtre du recyclage, il pille la pop culture en émaillant son film de références (surtout à son maître Steven Spielberg), sans jamais les balancer avec mépris ou cynisme. Le but est au contraire de produire un cinéma populaire, un grand film à l’ancienne. De ce point de vue, Star Trek Into Darkness est une totale réussite : l’intro démente avec son volcan et ses indigènes (ainsi qu’une utilisation bluffante de la 3D), la scène quasi muette de l’attentat à Londres, l’attaque de San Francisco, l’arrivée chez les Klingons... Le film enchaîne les scènes d’action et les morceaux de bravoure avec une maîtrise qui prouve qu’Abrams a terminé sa mue, passant du statut de génie télévisuel à celui d’artisan néoclassique. On éprouve un plaisir rare et jouissif à le voir renouer avec l’efficacité perdue du blockbuster – les vaisseaux s’écrasent, l’espace se dilate, les lasers fusent. Flamboyant, l’ensemble retrouve, à l’instar du magnifique et sous-estimé John Carter, sorti l’an dernier, un sens de l’héroïsme et du serial que l’on croyait disparu.
Première
par Frédéric Foubert
La nostalgie du serial, l’art du cliffhanger, le mouvement permanent... On connaît la méthode J.J. Abrams. On la connaît même si bien que l’on ne regrette aucune des 121 heures passées à regarder Lost, ce totem pop absolu des années 2000. Il y a deux ans, le bouleversant Super 8 nous apprenait qu’un petit coeur battait sous le costume de théoricien malin du wonderboy à lunettes. Autant de raisons d’espérer et... de déchanter devant Star Trek Into Darkness que, marketing aidant, on s’était mis à fantasmer en Empire contre-attaque de M. Spock et du capitaine Kirk. Muni d’un script incohérent (tiens, Damon Lindelof...), Abrams se contente d’y dupliquer mollement les recettes du premier volet : mêmes enjeux narratifs, mêmes caméos « surprises », même numéro lourdingue de Simon Pegg... Certes, le réalisateur s’y entend toujours pour emballer une ou deux séquences euphorisantes, mais qui sont comme désaccordées, jamais reliées entre elles par autre chose que la volonté mécanique d’empiler les morceaux de bravoure. C’est le film où les masques tombent, l’instant critique où le goût d’Abrams pour le détournement et la citation finit par confiner au vol qualifié (que vient faire ici l’attaque en hélico du Parrain 3 ?) et où le refus du surplace se confond avec une fuite en avant. Pas de souffle, zéro vision et, à l’arrivée, un ennui profond. Alors que Disney, en lui confiant les rênes de Star Wars, vient d’introniser J.J. en prophète intergalactique, ici, sur Terre, on continue d’espérer sa métamorphose en cinéaste.