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Tout le monde connaît désormais l’histoire de Rogue One, mais rappelons quand même le principe : c’est le premier spin-off de la saga Star Wars, qui s’attache à un détail que tout le monde connaît mais ignore depuis 40 ans : Une petite phrase qui n’existait que pour introduire une histoire, la grande histoire, celle des Skywalker qui s’écrit depuis 1977 et n’a toujours pas été conclue. L’idée de tirer un film de ce détour de phrase est en soi surexcitante. Et le résultat ? A la hauteur. Largement.
Rogue One est donc l’histoire de ce groupe de rebelles en mission pour dérober les plans de l’Etoile de la mort. Un groupe mené par Jyn Erso (Felicity Jones), fille du concepteur de cette arme absolue, motivée par l’impératif d’agir mais aussi par son histoire personnelle donc. Elle est entourée d’une équipe restreinte de rebelles partis contre l’avis de l’Alliance : le capitaine Cassian (Diego Luna), Bodhi (Riz Ahmed), un pilote qui a trahi l’Empire, Chirrut (Donnie Yen), un genre de samouraï aveugle qui évoque constamment la Force, Baze (Jiang Wen), son ange-gardien et, surtout, K-2SO (avec la voix d’Alan Tudyk), le gentil robot rigolo de ce nouvel épisode. Un équipage sympathique mais auquel on s’attache peu, contrairement au Réveil de la force qui créait vraiment une nouvelle team, destinée à durer... Ici, on est prévenu, il s’agit d’un stand-alone, un opus autonome qui n’a pas la (lourde) charge de planter de nouvelles graines. Et puis pour une fois, on s’intéresse au « petit peuple » et non à des princesses ou des « élus » promis à de grands destins, aux hommes et femmes jusque là anonymes mais qui mettent les mains dans le cambouis pour permettre aux « élus » susmentionnés d’accomplir leur destinée. Libéré de ces contraintes de portraits de personnage, Rogue One peut donc se concentrer sur l’action.C’est (vraiment) une époque de guerre civile…
Il a étrangement fallu attendre un spin-off, un épisode « mineur », pour que la saga Star Wars porte si bien son nom : on n’a jamais autant pris le pouls de la fameuse « guerre civile » qu’évoque le générique déroulant d’Un nouvel espoir que dans Rogue One. Jamais assisté de si près à cette « guerre » des « étoiles ». Le film de Gareth Edwards appartient à différents genres : le film de guerre donc, qui explose dans tous les sens et met sans doute en scène les plus belles séquences de combats aériens et galactiques de toute la saga – les 45 dernières minutes, au cours desquelles les combats se déroulent sur terre, dans le ciel ET dans l’espace simultanément, sont orgiaques. Mais il se rattache aussi à un sous-genre très spécifique : le film de casse. Il ne s’agit pas de braquer une banque ou Fort Knox, mais de dérober les plans de l’Etoile de la mort pour permettre aux héros de l’Episode 4 de la faire péter. Comme tout bon film de casse, Rogue One rassemble donc une équipe de personnages marginaux mais talentueux, qui élaborent un plan, rencontrent toutes sortes d’obstacles et parviennent à leurs fins in extremis. C’est l’autre grande réussite de cet épisode : son scénario, à l’écriture limpide, cohérente et tenue jusqu’au bout, qui avance en prenant le moins de détours possible et en limitant les sous-intrigues plus ou moins heureuses. Le tout en distillant les clins d’œil obligés aux fans et en tissant les liens avec la grande histoire.
Car nous sommes tout de même dans l’univers de Star Wars. Sans Skywalker, sans Han Solo, sans Wookies ou Ewoks, sans sabre laser (ou presque), sans le thème musical si familier, sans opening crawl… Mais dans le monde de George Lucas, peuplé de rebelles téméraires, de méchants très méchants (Dark Vador en tête), de stormtroopers, de bêtes étranges et de robots attachants. Le monde de Lucas, mais côté sombre (non pas obscur) : beaucoup plus noir et radical que Star Wars 7, beaucoup plus adulte que les épisodes 4, 5 et 6 réunis, Rogue One, comme ses personnages, met les mains dans le cambouis. Son statut de spin-off, de film « à part », le libère à la fois des contraintes que Le Réveil de la force avait plus de mal à gérer tout en rendant l’exercice du lien plus difficile. Etrangement, tout le monde a soigneusement évité d’évoquer au sujet de ce film l’idée de prequel (entachée par l’échec artistique de la prélogie), ce qu’il est pourtant et que la fin, hyper excitante, vient magistralement rappeler. Bien sûr, Rogue One est aussi un sequel puisque, dans La revanche des Siths, on quittait Anakin Skywalker devenu Dark Vador contemplant la construction de l’Etoile de la mort qui est, comme dans les épisodes 4, 5, 6 et 7, le moteur de l’intrigue. Rogue One est peut-être un épisode à part, mais il est pourtant le film du lien, celui qui peut réconcilier les deux trilogies, les trois générations de fans, et ouvrir la voie aux nombreux prequels en gestation chez LucasFilm.