Toutes les critiques de Dumbo

Les critiques de Première

  1. Première
    par Christophe Narbonne

    Avouons-le d’entrée : on allait à reculons voir le nouveau Tim Burton, qui balbutie son cinéma depuis pas mal de temps. La promesse de féérie, d’humour et d’émotions n’était plus vraiment au rendez-vous, fini la team Tim, la critique dans son ensemble se détournant progressivement de celui qui avait été son enfant chéri dans les années 90 -d’Edward aux mains d’argent à Sleepy Hollow. Sur le papier, Dumbo n’était pas fait pour les réconcilier. Encore une adaptation live d’un classique Disney après le boursouflé Alice au pays des merveilles ? Et puis quoi encore ! Tim Burton aurait-il entendu les critiques ? Sa version 2019 des aventures de l’éléphant volant n’a jamais été aussi burtonienne, visuellement, émotionnellement et symphoniquement.

    Haute-fidélité
    À l’origine, le quatrième classique Disney (situé entre Fantasia et Bambi) est un modèle d’épure : un récit court (1h04) d’apprentissage sur un éléphanteau doté de grandes oreilles qui lui permettent de voler, don extraordinaire qu’il va développer avec l’aide d’une souris au sein d’un cirque itinérant. Allégorie cruelle sur le star-system (ah les inoubliables clowns et enfants méchants !) doublée du portrait déchirant d’un outcast orphelin (incroyablement expressif), Dumbo était une suite de morceaux de bravoure dont l’acmé était “la danse des éléphants roses”, à jamais gravée dans nos cœurs d’enfants. Comment Burton allait-il réussir à inscrire tout ça dans le cadre d’une superproduction bourrée d’effets spéciaux ? Simplement en se focalisant sur des personnages de chair et d’os. Exit la souris potentiellement animée, place à la famille Farrier : au père, Holt, vétéran de 14-18 désormais manchot, et à ses deux enfants, Milly et Joe, orphelins de leur mère qui vont s’attacher naturellement à l’éléphanteau, séparé de la sienne. Et Burton de réinventer joliment et efficacement les scènes du film d’origine en les intégrant de manière assez naturelle à ce double récit d’apprentissage. Quant à l’animation, sa fluidité et sa justesse sont aussi palpables dans les scènes de vol que dans les expressions de Dumbo -dont l’animalité est par ailleurs préservée. Un humble tour de force technique qui montre que Burton a retenu les leçons de son Alice… plastiquement hypertrophié.

    Un film méta
    L’autre grande réussite du film réside dans son discours antisystème, à l’œuvre dans la seconde partie de l’histoire. Burton fait d’un magnat de l’entertainment (joué par le réjouissant Michael Keaton), inventeur d’un immense parc à thèmes (tiens, tiens), le grand méchant de l’histoire qui va tenter d’exploiter Dumbo au détriment des forains qui l’ont recueilli. Industrie cynique du divertissement vs artisanat passionné : il y a quelque chose de délicieusement transgressif à voir ce film s’épanouir au sein du studio Disney avec lequel Burton entretient un lien ambigu depuis toujours. Inutile de vous dire qui en ressort grandi…