-
Une petite ville anodine en Algérie, écrasée sous la chaleur et des rituels semble-t-il immuables (...) Il traîte les "grandes" questions inévitables - poids des traditions, condition des femmes, influence liberticide des groupes islamistes fondamentalistes - avec un refus orgueilleux du didactisme et de la leçon de choses. Malgré quelques malheureuses glissades formelles, Bled number one s'impose comme un film farouche et radical qui se distingue audacieusement du tout-venant.
Toutes les critiques de Bled Number One
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
- Fluctuat
Grande découverte de Cannes 2006, le second film de Rabah Ameur-Zaïmeche, après Wesh wesh, laisse une empreinte profonde et troublante dans l'esprit du spectateur. Avec son personnage expulsé de France et renvoyé en Algérie, le cinéaste ré-intrerpète son propre décalage, son interrogation sur le territoire et la nationalité. Sans poncif, mais avec une grande liberté formelle, il invente un fascinant périple historique, géographique, mais avant tout humain.
Kamel vient d'être renvoyé en Algérie, suite à une condamnation ayant entraîné une double peine. Nous ne saurons rien de sa vie en France, le film commençant à son arrivée dans ce bled qu'il ne connaît pas, ou plus. A la fois étranger et familier, son expérience de l'Algérie se rapproche un peu de celle du spectateur. Il y a d'abord le temps de l'acclimatation, magnifiquement retranscrit par le cinéaste, à travers une plongée sonore autant que visuelle dans le quotidien du lieu.Le Bled, c'est d'abord ces routes un peu défoncées, ces maisons blanches qui, dans cette lumière tranchante, résonnent de bruits métalliques, tandis que les sons extérieurs sont comme emmitouflés par la poussière. Les sensations priment, car premières, et ouvrent le film sur des scènes qui pourraient être hallucinées si elles n'étaient aussi précisément décrites. Ainsi, le rituel qui consiste à tuer puis découper un boeuf avant de le partager ou plus simplement l'achat d'alcool deviennent des épisodes fondateurs, qui montrent bien plus qu'ils n'énoncent. La grande force du film est ainsi de pleinement utiliser le cinéma. Il n'est pas ici question de discours, ni pour ou contre ni procès à charge. Rabah Ameur-Zaïmeche est bien trop malin pour cela. Si son Bled se montre sous toutes ses facettes, avec ses traditions insupportables, son humanité touchante, c'est avant tout par son immense force de mise en scène qu'il dévoile son idée de l'Algérie.Filmé en numérique, l'image un peu incertaine joue à plein l'idée d'un réel qui nous échappe toujours un peu. De la famille au village, des histoires personnelles aux traditions, Kamel parcourt dans tous les sens ce territoire qui est un peu de lui mais qu'il ne reconnaît pas. Il y a quelque chose de totalement universel dans ce sentiment étrangement inquiétant d'une famille qui nous est étrangère, d'un lieu fondateur mais non reconnu. Face aux problèmes du village - une bande d'hommes, apparemment des fanatiques religieux, qui veulent faire leurs propre loi - ou au statut de la femme, Kamel est résolument étranger, choqué ou désemparé.Avec sa caméra portée qui suit son personnage, le cinéaste plonge le spectateur au coeur du tumulte qui bouleverse Kamel. Le film secoue beaucoup et, parfois, s'arrête brusquement, proprement sidéré par des apparitions formidables. Comme un sorte d'émanation de ce malaise, Rodolphe Burger surgit soudain, assis sur une colline, seul avec sa guitare et un ampli, jouant sa complainte au soleil couchant. Une apparition totalement folle et vitale, signe d'un film qui ose tout, qui ouvre très grand le champ du cinéma pour inventer son propre langage. Si Kamel est en quête d'identité, ne se retrouvant dans ce bled où il est comme propulsé, Rabah Ameur-Zaïmeche, lui, s'est ici (re)trouvé.Bled Number One
Un film de Rabah Ameur-Zaïmeche
Avec Rabah Ameur-Zaïmeche, Meriem Serbah, Abel Jafri, Farida Ouchani.
Sortie en salles : 7 juin 2006[Illustrations : © Les Films du Losange]
Sur Flu :
- la chronique du film publiée dans Ecrans le blog cinéma, lors de la présentation du film à Un certain regard (Cannes 2006).
- Tags : en sallesSur le web :
- Le site du distributeur