Première
par Mathieu Carratier
Peut être parce qu’il nous a habitués à des films de genre (Narc, Mi$e à prix), on s’attendait bêtement à ce que le nouveau Joe Carnahan prenne la forme d’un survival viril où les rescapés du crash se font becqueter un à un par une meute de loups qui a les crocs avant que Liam Neeson ne leur rappelle qu’il a joué dans Taken. Dès les premiers plans, immédiatement habités, empreints d’une gravité qui prend direct à la gorge, il est clair que Carnahan a décidé d’explorer un tout autre Territoire. Lorsque l’un des passagers, éventré dans les décombres de l’avion, demande à Neeson ce qui se passe, il ne lui donne pas de réponse hollywoodienne. Non, il lui annonce simplement qu’il va mourir. La scène, déterminante, révèle la vraie nature d’un film dont le sujet ne sera jamais la lutte de ces hommes pour une utopique survie, mais comment chacun va devoir apprivoiser sa propre mortalité, se préparer pour le dernier souffle. En signant pour incarner le meneur du groupe, un chasseur hanté par le souvenir de sa femme disparue, Liam Neeson acceptait aussi de revivre sa propre tragédie (son épouse est décédée à la suite d’un accident de ski il y a 3 ans). La complexité de ce qui se passe dans son regard, cette invitation adressée à la caméra de sonder un abîme de douleur vertigineux, est presque un long métrage en soi. Oubliez les dérives récentes de sa filmo : l’acteur de La Liste de Schindler est de retour, et constitue la première raison de s’abandonner à cette fascinante danse macabre avec les loups.