Alors que Cloclo arrive enfin dans les salles, la rédaction se divise. Pour certains, le film de Florent Emilio-Siri réinvente le biopic made in France, là où, pour d’autres, il ne s’interroge jamais ni sur le genre ni sur son sujet.
Cloclo : le pour Jusqu’à Cloclo, La Môme et Gainsbourg, vie héroïque étaient considérés comme les must du biopic made in France. Le film de Florent-Emilio Siri remet les pendules à l’heure : le premier grand biopic hexagonal, c’est lui. Les afféteries de La Môme, le concours de sosies de Gainsbourg, vie héroïque ressemblent à des gesticulations face à l’ambition affichée de Cloclo qui prétend –il y réussit- brosser le portrait sans complaisance d’un mec ordinaire, mû par une volonté de fer et une foi inébranlable dans son destin. Claude François, c’est une jeunesse de merde (déracinement, père mort sans avoir reparlé à son fils « saltimbanque »), une parenthèse de vaches maigres, une réussite brutale et phénoménale, une idée de génie (les Clodettes), une diversification discutable de ses activités (presse ado et de charme, parfums), un opportunisme de renard (la vague disco)... Siri séquence au mieux toutes ces étapes d’une vie dédiée à la réussite, qui laisse de côté femmes (Cloclo se conduisait envers elle comme un salaud) et enfants (la préservation de son image passait avant leur bien-être). Type odieux, donc, mais self-made man habile que le réalisateur rend attachant par son obsession maladive du détail et par sa détestation de lui-même. À l’art du storytelling à l’américaine (rythme, efficacité) affiché par le scénariste Julien Rappeneau, Siri ajoute sa virtuosité de cinéaste. Découpage, composition des cadres, direction artistique sont notamment d’un niveau supérieur. Et quand notre petit Français se prend pour Scorsese (trois plans séquences de folie), ce n’est pas pour l’épate mais bien pour jalonner son récit de repères édifiants. En deux mots comme en cent : courez-y !
Christophe Narbonne
Cloclo : le contre Il y a donc bel et bien un sujet, étonnamment fort même, pour qui se contrefout du règne yéyé, de sa mythologie ORTF, de ses reprises minables de standards pop anglo-saxon et de son esthétique franchouillardo-Nationale 7. Le sujet c’est lui, comme le titre l’indique, Claude François ou plutôt son doppelganger psychopathe à paillette, Cloclo. Depuis quelques années, depuis qu’on usine des hagiographies aux kilotonnes, depuis qu’on s’est rendu compte que cette époque était en mal d’icônes, on appelle ça un biopic, preuve que c’est devenu un genre à part entière avec ses codes, ses faits d’armes et même ses parodies (l’immense « Walk Hard »). Le problème de Cloclo c’est justement qu’il refuse de rediscuter les fondamentaux d’un genre usé pour ne broder que de l’anecdote télé, apte à réchauffer le cœur des fans de Maritie et Gilbert Carpentier. On attendait de Florent Emilio Siri, cinéaste compétent à l’esprit aiguisé, si ce n’est une réflexion sur le biopic, au moins un refus de ses conventions les plus élémentaires ; ce n’est jamais vraiment le cas, préférant se concentrer sur des schémas d’apprentissage archaïques, et refusant obstinément toute mise en perspective du personnage ou de son époque, Siri réalise son biopic comme on monte un 52 minutes pour la TNT. Un peu en pantoufle, le rythme cardiaque au repos, en faisant simplement en sorte de bien être compris par le plus grand monde. Pas du cinéma populaire non, et c’est bien dommage, du cinéma déjà prédigéré pour la télé et les coupures pub, et c’est bien plus triste.Romain Thoral
La bande-annonce de Cloclo :
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