Cannes 2021 : François Civil, Gilles Lellouche, Cedric Jimenez, Adele Exarchopoulos, Kenza Fortas, présentent Bac Nord hors compétition
Abaca

Rien ne le prédestinait à devenir cinéaste. Alors que sort son quatrième long métrage, Bac Nord, retour sur le parcours singulier de ce natif des quartiers nord de Marseille

Pour certains, c’est la rencontre avec un prof qui a bouleversé leurs vies. Pour Cédric Jimenez, gamin des quartiers nord de Marseille, c’est un patron de vidéo- club qui lui a donné le goût du cinéma. « J’ai 12 ans. Il m’emmène vers des oeuvres que je n’aurais jamais regardées seul. Je deviens fou du cinéma américain des années 70. » Mais en faire, il n’en est alors pas question. « C’était une autre planète. Je ne m’autorisais même pas y penser ».

Et puis, à 19 ans, il décide de quitter Marseille. « Je commençais à faire des conneries. Je pars pour New- York. » Il y bosse comme serveur et, un soir, tout bascule. Il se fait repérer et se retrouve peu après photographié par Steven Meisel avec Kate Moss pour Calvin Klein. Le point de départ d’une carrière de mannequin qui le conduira devant les objectifs d’Avedon, Roversi, Testino … « Je vis un truc de dingue. Le métier ne me passionne pas totalement. Mais il crée chez moi une relation particulière à l’image. Et je rentre surtout dans un monde où plein de choses inaccessibles deviennent possibles ». Dont le cinéma !

Alors, quand à 24 ans, il arrête, il investit son argent dans une société de production où il s’associe avec Joey Starr. « Je me suis payé mon apprentissage en quelque sorte. » Petit à petit, il glisse vers le long métrage de fiction via Scorpion et Eden Log, avec un peu de frustration. « La gestion n’est pas mon fort. Ce que j’aime, c’est être sur le plateau et à force d’y aller, ça a désacralisé la figure du réalisateur. Je me suis senti autoriser à y passer». Il franchit le pas en 2012 avec Aux yeux du tous. Un thriller filmé à l'aide de caméras de surveillance et de webcams. « Un film fait à l’arrache. Mais je me sens à ma place ». Le producteur de La Môme, Alain Goldman, demande à le rencontrer. Jimenez lui parle de son intérêt pour le tragique destin du Juge Michel. Goldman dit banco. Ainsi naît La French. Un vrai quitte ou double avec son budget de 18 millions d’euros. Mais le film s’en sort plus qu’honorablement et connaît un succès d’estime aux USA où Hollywood se met à faire les yeux doux au réalisateur. « Je reçois beaucoup de scénarios et je dois choisir. Je refuse Comancheria pour continuer l’histoire avec Alain. » Goldman lui propose alors d’adapter HHhH qui sera son premier film en anglais… au destin moins flamboyant. Car parmi les financiers du film, il y a Harvey Weinstein dont l’affaire éclate au même moment. La date de sortie est sans cesse repoussée. La dynamique se casse. « Je suis déstabilisé. » Les Américains continuent à bosser avec lui. Il se remet à écrire deux films dont l’un avec Mark Wahlberg. « Je gagne bien ma vie mais moi, je n’aime rien tant que le plateau donc ça me frustre ».

BAC NORD EST AUSSI PERCUTANT QUE PASSIONNANT [CRITIQUE]

Puis, une discussion avec le producteur Hugo Sélignac relance la machine. « Il me demande si j’ai un projet en tête. Je lui parle de Bac Nord. De ces membres de la BAC de Marseille déférés en 2012 en correctionnelle pour trafic de stupéfiants et rackets ». Il lui précise qu’il n’en connaît pas tous les tenants et les aboutissants. Mais Hugo Sélignac a les contacts pour les policiers en question. Et en les rencontrant, Jimenez voit le film qu’il peut en tirer. « Raconter, sans se faire juge ou procureur Marseille, une ville chaude dans tous les sens du terme, à travers un film d’action car la BAC est une police d’action chargée d’adrénaline. » Un retour sur un plateau comme un retour à la vie. Efficace, prenant, Bac Nord marque une nouvelle étape décisive dans sa carrière. Loin d’être la dernière.