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Elle avait incarné dans les années 60-70 une forme d’émancipation sexuelle et féminine. Hommage.

De Mireille Darc, la première image que l’on retient est une robe noire dos nu découvrant la cambrure de ses fesses dans Le grand blond avec une chaussure noire, sorti en 1972. Pierre Richard, et avec lui le mâle français dans toute sa splendeur agonisante, faisait l’expérience de la féminité conquérante, un an après Le Manifeste des 343 salopes qui avait amorcé le mouvement féministe et déroulé le tapis pour la Loi Veil. Mieux que personne à cette période (BB était déjà en pré-retraite), Mireille Darc a symbolisé la fameuse “femme libérée” en incarnant des héroïnes indépendantes, sexuellement entreprenantes dont la résistance au patriarcat n’était pas toujours récompensée. Son rôle le plus emblématique ? Celui de Galia (titre du film éponyme de Georges Lautner), mante religieuse prise au piège de l’amour tendu par un odieux macho. Nous sommes en 1966 et, par son audace et la victimisation de son personnage, Mireille Darc libère la parole et décomplexe ses nombreuses admiratrices qui adoptent sa coupe, ses fausses taches de rousseur et ses tenues légères improvisées. Avec Bardot, Karina et Moreau, elle déblaya grandement le terrain pour la révolution sociale qui allait suivre.

L’actrice Mireille Darc est décédée à l’âge de 79 ans.

Georges Lautner, le mentor

Née Mireille Agroz le 15 mai 1938, elle avait choisi le pseudonyme de Darc en hommage à Jeanne d’Arc - signe de son caractère entier et pugnace. Après quelques rôles à la télévision et dans des films dérisoires, elle éclate, à 25 ans, dans Pouic Pouic aux côtés de Louis de Funès. Sa carrière est définitivement lancée en 1964 par Georges Lautner qui établit, dans Les Barbouzes, son image de grande fille faussement écervelée menant les hommes par le bout du nez, plongé dans sa poitrine ou reniflant ses effluves tentateurs. Lautner, c’est le grand frère, celui qui la dirigera à treize reprises et lui offrira ses plus beaux rôles -dans Galia et Les seins de glace. Grâce à lui et à quelques autres (Jacques Deray, Michel Audiard, Gérard Pirès, Yves Robert, Edouard Molinaro…), elle devient une actrice populaire au sens noble du terme, snobée par les Jeunes Turcs de la Nouvelle Vague, à l’exception notable de Jean-Luc Godard qui la filmera “sérieusement” dans Week-end.

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En 1968, Mireille Darc rencontre Alain Delon sur le tournage de Jeff de Jean Herman. Coup de foudre immédiat. Pendant quinze ans, ce couple mythique va alimenter les gazettes et partager pleinement l’affiche de sept films dont les deux BorsalinoMort d’un pourri et Pour la peau d’un flic, autant de succès qui confortent Mireille Darc en tête des actrices préférées des Français. Sa séparation d’avec la star masculine française, à laquelle s’ajoutent une opération à cœur ouvert et un grave accident de la circulation, l’éloigne brutalement des plateaux au mitan des années 80. Heureusement, elle a d’autres cordes à son (D’)arc : la photo, qu’elle pratique depuis la fin des sixties, et la réalisation de documentaires qu’elle entame pour la télévision à partir de 1992 -après le cruel échec de Barbara, son unique film de cinéma. Prostituées, détenues, actrices porno, religieuses… Dans ses documentaires engagés, elle donne une visibilité à des femmes de l’ombre, en marge, dont elle révèle la force intérieure. Un juste retour des choses de la part d’une actrice dont l’apparente légèreté cachait une profonde grandeur d’âme.

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