Après It Follows, David Robert Mitchell propose un Mulholland Drive chez les hipsters. En compétition à Cannes.
C’est un genre qu’on connaît par cœur : le polar angeleno labyrinthique. Un peu plus méta à chaque nouvel épisode. Le Grand Sommeil, Sunset Boulevard, En quatrième vitesse, Le Privé, Chinatown, Mulholland Drive, Southland Tales, et récemment Inherent Vice… Dans Under the Silver Lake, David Robert Mitchell ne fait pas comme si tous ces films n’avaient jamais existé. Au contraire : il ambitionne de signer le dernier du genre, le chapitre final, l’épilogue d’un siècle de déambulations somnambuliques dans la ville. C’est une immense rumination sur l’industrie du rêve (et du cauchemar), fléchée par des posters, des extraits de films, des références, des chansons, qui réfléchit à la dimension morbide de la pop culture contemporaine, la dimension vampirique de l’obsession post-postmoderne pour le recyclage permanent. Pour le dire vite, c’est un peu le Ready Player One du réalisateur d’It Follows. Avec la Cité des Anges en lieu et place de l’Oasis.
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Andrew Garfield (exceptionnel) y joue un hipster en voie de clochardisation, qui se met à enquêter sur la disparition d’une voisine sexy (Riley Keough). Il va de fêtes en fêtes, un tueur de chiens rôde dans le quartier branché de Silver Lake, la parano n’arrête pas de grimper, l’ombre de Charles Manson plane manifestement encore sur la ville… Le film prend la forme d’une déambulation cotonneuse, musicale, hantée, et confirme le génie atmosphérique de Mitchell. La mosaïque pop qu’il dessine est superbe, culminant dans une utilisation anthologique du What’s the Frequency, Kenneth ? de REM, une scène de danse où le corps élastique de l’ex-interprète de Peter Parker fait des merveilles. C’est le genre de films dont on a envie d’accrocher chaque photogramme au mur de sa chambre. C’est aussi le genre de films qu’on a envie d’aimer plus que de raison. Trop long (2h20), Under the Silver Lake n’a peut-être pas tout à fait réellement l’ampleur du chef-d’œuvre étourdissant qu’il fait parfois mine d’être. Mais il est suffisamment imposant pour qu’on se demande où pourra aller le L.A. movie après ça. Si on se pose la question, c'est qu'il a gagné son pari.
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