Golshifteh Farahani sur la crise en Iran : "Personne ne m'a soutenue. Personne ! Pas même le réalisateur Asghar Farhadi..."
Abaca

Exilée depuis 2008, l'actrice défend la jeune génération, qui se révolte dans son pays d'origine.

Golshifteh Farahani est née en Iran, un pays qu'elle a quitté en 2008. L'actrice de 39 ans, qui se construit depuis une carrière internationale, se livre dans Le Monde sur cet exil douloureux, à l'heure où la jeune génération est en pleine révolte contre le régime autoritaire dirigé par Ali Khamenei. Elle y décrit sa propre expérience, expliquant pourquoi elle a pris la décision de ne plus porter le voile, et les conséquences que cela a eu sur sa vie, avant de prendre le soutien des manifestants. Voici quelques extraits de ses propos forts, à lire en entier ici.

"Si, à force de harcèlement et de tracasseries, les services secrets iraniens ne m’avaient contrainte à l’exil. Je n’avais pas anticipé ce départ, je n’avais jamais imaginé construire une vie hors de mon pays, loin des miens. Ce fut infiniment douloureux, j’ai payé le prix fort.  [...] Le voile n’est pas anodin. C’est à la fois l’affichage et le pilier central qui tient le chapiteau de la théocratie. Si le hidjab tombe, la tente s’écroule et le régime avec […] Parce que le voile et l’oppression des femmes constituent leur identité. [...] Toute ma vie, en Iran, j'ai détesté être une femme ! Car une femme en Iran est coupable. Coupable de ses seins, de ses cheveux, de ses formes. Coupable si on la regarde. Coupable si on la touche, coupable si on l’agresse. C’est odieux, car tout le monde finit par intégrer cette ineptie. Lorsque je me suis permis d'apparaître la tête découverte, à 24 ans, à New York, le soir de la première du film de Ridley Scott dans lequel je jouais [Mensonges d'Etat, ndlr], tout le pays m'est tombé dessus. C'est comme si j'avais lancé une bombe atomique. Personne ne m'a soutenue. Personne ! Pas même le réalisateur Asghar Farhadi, avec qui je venais de tourner A propos d'Elly et qui m'a bannie. Il pensait sincèrement que j'étais coupable d'un truc horrible, et il ne voulait plus me parler, lui, le grand intellectuel ! Ça m'a détruite. Ma famille artistique me lâchait donc, elle aussi... Vous voyez comme on revient de loin ! C'est en débarquant à Paris que j'ai senti que les femmes ne sont pas coupables. C'est le plus grand cadeau que m'a fait la France. [...] J’ai ainsi compris que les gens du cinéma iranien autorisés à voyager sont forcément appelés à collaborer avec les services secrets. Sans quoi ils seraient comme moi en exil. [...] Notre petite enfance à nous [...] s’est déroulée sous les bombes et dans le vacarme des sirènes. On a connu la peur dans les yeux de nos parents, on a vu les maisons détruites dans notre rue de Téhéran [...] Cette génération Z n’a connu ni la révolution ni la guerre, elle est née dans le marasme, coincée dans un pays qui est une dictature. Mais elle a Instagram, TikTok, elle sait ce qu’il se passe dans le monde, elle est irrévérencieuse, sans complexe ni timidité. J’ai l’impression qu’elle ne craint rien."

Golshifteh Farahani : « La comédie et moi »

Golshifteh Farahani sera bientôt à l'affiche d'Une comédie romantique, de Thibault Segouin, aux côtés d'Alex Lutz, et Arte.TV diffuse l'un de ses derniers films, Un divan à Tunis, gratuitement toute la semaine. Il sera également proposé mercredi soir sur la chaîne.