Cinquante ans après, le beau-frère et producteur de Stanley Kubrick réfléchit à l'héritage du monolithe.
2001, l’Odyssée de l’espace a 50 ans et Cannes débouche le champagne. Le Festival célèbre le chef-d’œuvre de Stanley Kubrick en projetant le film dans une copie neuve 70mm et en invitant un fan hardcore du film, un certain Christopher Nolan, à donner une masterclass. Avant de prendre le train pour la Croisette, on a fait le point sur les derniers mystères de l’Odyssée avec Jan Harlan, beau-frère et producteur du génial Stanley, et gardien n°1 du temple kubrickien.
Jan Harlan, la projection d’une nouvelle copie 70mm de 2001, l’odyssée de l’espace à Cannes est le point d’orgue des célébrations autour du film en cette année anniversaire…
Oui, il y a également une exposition à Francfort et un ciné-concert exceptionnel à Londres. Warner a édité un DCP spécial avec tous les sons du film sauf la musique. Je ne sais pas si vous avez déjà entendu un orchestre jouer les musiques de Ligeti en live sur les images de 2001, mais je peux vous dire que c’est plutôt impressionnant !
Vous n’avez pas été directement impliqué dans la production de 2001, mais vous étiez déjà très proche de Kubrick à l’époque…
Oui, il avait épousé ma sœur et ils avaient trois petites filles. Je pouvais admirer de près ce super-cerveau. Ce n’est qu’en 1969 que j’ai commencé à travailler avec lui, sur le projet Napoléon. Mais j’ai pu visiter le set et, avant ça, j’avais assisté à des conversations fabuleuses entre Stanley et Arthur C. Clarke. Des discussions de haute volée. Pour moi, l’art et la science sont des disciplines jumelles et ce film, c’est la fusion absolue des deux.
Quelle était l’ambiance sur le plateau de 2001 ?
Très studieuse ! Il faut se souvenir que tous les techniciens impliqués débarquaient sur un territoire vierge, une terra incognita. Ils étaient en train d’inventer le futur – une idée du futur mais aussi le futur du cinéma et de la science-fiction.
Etiez-vous présent lors de cette fameuse avant-première catastrophique à Washington, le 2 avril 68 ?
Non, j’étais à Zurich. La raison pour laquelle cette avant-première s’est si mal passée, c’est que le public n’était pas le bon. La salle était remplie de vieux en smoking, venus au cinéma en Cadillac. Je n’ai rien contre les vieux, hein, j’ai 80 ans ! (Rires) Mais vous voyez ce que je veux dire : ces gens-là, ce public huppé des avant-premières, ils ne comprenaient rien au film. Les 20 minutes de silence au début, la musique classique dans l’espace, le monolithe… Ils étaient complètement perdus. Ce sont les jeunes qui ont fait un triomphe à ce film. Stanley le disait lui-même : « 2001 a été sauvé par les teenagers ».
Dans votre film Stanley Kubrick : a life in pictures, vous racontez que Kubrick est devenu aphone cette nuit-là. Y a-t-il d’autres moments de sa carrière où il a autant perdu le contrôle ?
Oh, je n’irai pas jusqu’à dire qu’il a perdu le contrôle. Il était surtout très contrarié. Il souhaitait que 2001 soit un succès pour ne pas faire perdre d’argent à la MGM. Ils avaient dépensé des sommes considérables, ils lui avaient fait confiance, et Stanley souhaitait que le studio rentre dans ses frais. Il ne voulait pas que sa carrière s’arrête là !
Les 18 ou 19 minutes qu’il a coupées après cette première, les verra-t-on un jour ?
Non. Moi-même, je ne les ai jamais vues. Je n’en connais que des photogrammes. Il y avait notamment une scène autour de l’étang de la station orbitale, un étang avec des cygnes… Mais le film était trop long, il fallait couper, et tout ce que Stanley a enlevé était en réalité assez superflu. Il n’y a aucun regret à avoir.
Les bandes qui ont été retrouvées dans un entrepôt du Kansas il y a quelques années…
Elles sont inutilisables. Elles avaient été mal conservées. Et puis, franchement… Il n’y a rien à rajouter à 2001. Les director’s cuts de Stanley Kubrick, vous les connaissez, ce sont les films eux-mêmes. Ils sont tels que Stanley les voulait.
Une rumeur courait à une époque sur une éventuelle version 3D de 2001…
Mais ce serait absurde. Total nonsense ! Nous ne ferons jamais ça.
Vous avez apprécié l’hommage à Shining dans Ready Player One ?
Non seulement je l’ai apprécié, mais j’étais sur le plateau quand ils l’ont tourné !
A propos de Spielberg : vous continuez à travailler avec lui à ressusciter le Napoléon de Kubrick ?
Oui. Je ne peux pas trop en dire pour l’instant mais on va en faire une mini-série de six heures pour HBO. A l’horizon 2020. Stanley serait tellement heureux de savoir que son Napoléon chéri va finir par devenir réalité…
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