L’ambiance était à couteaux tirés entre le comédien et Bertrand Blier sur le tournage de ce film mélancolique que diffuse cet après- midi France 2
Bertrand Blier- Coluche. Voilà une rencontre au sommet que le cinéaste attendait depuis des années puisque Coluche devait être à l’origine le Pierrot des Valseuses face à Gérard Depardieu, rôle finalement échu à son grand ami Patrick Dewaere. Mais huit ans plus tard, Blier tient son projet avec Coluche. Il vient de terminer Beau- père quand il développe avec Gérard Brach, le scénariste de Répulsion et de Tess, La Femme de mon pote avec en tête un trio d’acteurs : Patrick Dewaere- Coluche- Miou- Miou. Un romantique naïf, son meilleur ami dévoué souffrant de ne pas avoir encore réussi à trouver l’amour et une allumeuse qui va faire imploser ce duo d’adulescents. Ce casting ne doit absolument rien au hasard. Miou- Miou a été la compagne de Coluche à la fin des années 60 avant de devenir celle de Dewaere. Et le scénario s’inspire de l’intimité qui unit le trio en faisant écho à de nombreuses situations qu’ils ont vécues.
Mais une terrible tragédie va venir percuter de plein fouet ce projet. Le suicide, le 16 juillet 1982, de Patrick Dewaere avec la carabine offerte… par Coluche que sa femme, qui venait de le quitter, était partie rejoindre en Guadeloupe. Bouleversée, Miou- Miou quitte immédiatement le film. Et Coluche, aussi, hésite à jeter l’éponge. Mais son impresario Paul Lederman fait le forcing, certain que cette collaboration avec Blier pourrait ouvrir un nouvel horizon cinématographique à celui qui a toujours jusqu’ici évolué dans le seul registre comique. Et il va finir par convaincre Coluche que Blier choisit d’entourer de Thierry Lhermitte et Isabelle Huppert.
Mais ce tournage va se révéler particulièrement douloureux. Coluche vit une des périodes les plus sombres de son existence, entre dépression, alcool et drogues en tout genre, depuis son divorce qui l’a aussi vu se couper de bon nombre de ses amis de longue date. Chaque scène ou presque le renvoie à sa relation complexe avec Dewaere et nourrit le remords d’avoir finalement dit oui à un projet qu’il ne sentait plus. Ce cercle vicieux crée chaque jour ou presque une tension sur le plateau. « Coluche n’avait pas une formation d’acteur et n’était pas un gros bosseur », racontait Bertrand Blier à Première en mars 2019. « Le premier jour du tournage, il a râlé dès que j’ai voulu lui faire refaire une prise en me demandant si j’allais l’emmerder comme ça pendant quatorze semaines. On s’est très mal entendus ». Avant de faire amende honorable : « je n’ai pas toujours été au top non plus. On n’est pas oscarisable à chaque film. »
A sa sortie, La Femme de mon pote reçoit un accueil mitigé de la critique. Vu comme un Blier mineur, il attire malgré tout plus d’un million et demi de spectateurs (soit le plus gros succès du réalisateur depuis Les Valseuses) et surtout préfigure le Lambert de Tchao Pantin que Coluche tourne dans la foulée et qui lui vaudra un César. Un film et un rôle qui faisaient là encore écho à la dépression qui le rongeait hors écran et plateaux de cinéma. Une période noire qui s’achèvera une poignée d’années plus tard avec son retour à la radio sur Europe 1, le lancement des Resto du cœur et son projet de remonter sur scène au Zénith de Paris, avant qu’un « Putain de camion » ne croise sa route un triste jour de juin 1986.
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