Michel Blanc dans Viens chez moi, j'habite chez une copine
Films Christian Fechner/ Films A2

Marche à l’ombre revient ce dimanche sur C8, et son créateur nous raconte cette décennie décisive dans sa carrière.

A la fin des années 70, malgré le triomphe des Bronzés, vous allez pourtant choisir de vous éloigner assez vite de la bande du Splendid et ne faire que des apparitions dans Le Père Noël est une ordure et Papy fait de la résistance. Qu’est ce qui vous a poussé à ça ?

Michel Blanc: Je trouvais ça vulgaire d’écrire une suite aux Bronzés. Donc je n’ai pas participé à ce qui se révèlera être le meilleur des deux films ! (rires) Et, sur le plateau, l'ambiance n'était pas si bonne entre nous, comme si quelque chose s’était cassé. On m’en voulait forcément un peu et logiquement d’ailleurs d’avoir un peu d'avoir brisé la cohésion du groupe. Les copains ont pu croire que j'avais pris la grosse tête. C'est d’ailleurs le seul moment de tension qu'on a connu. C’est cette situation qui m'a alors poussé à aller travailler comme acteur ailleurs. En l'occurrence donc sous la direction de Patrice Leconte, avec qui on a fait Viens chez moi, j'habite chez une copine, Ma femme s'appelle reviens et Circulez y'a rien à voir !  

Vous quittez donc votre « famille » mais vous continuez à creuser votre personnage des Bronzés….

Dans la bande du Splendid, on n’écrivait pas nos propres rôles mais ceux de tout le monde. Cependant, assez vite, on voyait qui allait jouer quoi. Et quand j’ai compris que Jean- Claude Dusse allait être pour moi, j’y ai tout de suite vu une chance. Jusque là, je n’avais pas encore trouvé mon emploi comique. Sur scène, par exemple, Gérard (Jugnot) faisait bien plus rire que moi. Quand je le remplaçais dans Le père Noël est une ordure, j'enchaînais bide sur bide ! Pour Jean- Claude Dusse, j’ai pensé à Woody Allen, à un personnage névrosé, physiquement fragile, qui, non seulement n’arrive pas à séduire, mais n’est même pas remarqué par les femmes. Avec ce rôle, j’avais donc trouvé mon rire et je l’ai en effet développé chez Patrice. Jusqu’à ce que j'écrive Marche à l'ombre, mon premier film comme metteur en scène, dont je savais qu'il mettrait fin à ma "carrière" café-théâtre.

Qu’est ce qui vous a poussé à passer derrière la caméra ?

J’avais écrit avec Patrice Viens chez moi, j'habite chez une copine et Ma femme s'appelle reviens. Et c’est lui qui m’a poussé à réaliser Marche à l’ombre, dont j’avais eu l’idée et que je lui avais proposé… pour qu’il le réalise. Sur le moment, j’étais désarçonné mais il est arrivé à me convaincre. Il m’a enjoint de prendre un bon premier assistant et un super conseiller technique, en l’occurrence Patrick Dewolf avec qui j’ai écrit la structure de l’histoire

C’est vous qui avez eu l’idée aussi de votre association avec Gérard Lanvin à l’écran ?

Oui mais cela a failli ne pas se faire. Je voulais à tout prix Gérard mais il avait refusé de jouer dans Viens chez moi, j’habite chez une copine où Bernard Giraudeau l’avait remplacé. Et Christian Fechner qui produisait les deux films m’a alors dit que ce serait grossier de ne pas proposer Marche à l’ombre en priorité à Bernard. Au fond de moi, je croisais les doigts pour qu’il refuse. Et c’est ce qu’il a finalement fait, se trouvant trop âgé pour le rôle. J’ai donc été dans la foulée le proposer à Gérard qui, cette fois- ci, a accepté, à mon grand soulagement.


 

Et, dans la foulée, vous allez vous éloigner de la comédie…

Oui, j'ai refusé toutes les propositions de rôles équivalents car je ne voulais pas m'enfermer dans un emploi qui aurait fini tôt ou tard par lasser. Et là, Bertrand Blier est arrivé avec Tenue de soirée 

Un rôle qu'il avait écrit pour… Bernard Giraudeau, encore et toujours lui !  

Je croyais que Bertrand ne m'aimait pas. Dans les années 70, il m'avait fait passer des essais pour une pub pour une bière. Et comme il ne m'avait ni engagé ni proposé un petit rôle dans Les valseuses qu'il a tourné après et où apparaissaient Jugnot et Lhermitte, j'étais persuadé qu'il n'appréciait pas mon jeu. Sans avoir imaginé que mon physique ne correspondait pas spontanément à celui du bon vivant, amateur de bières... Et puis, des années plus tard donc, début 1985, au déjeuner des César - où j’étais nommé en premier film pour Marche à l’ombre et lui pour le scénario de Notre histoire -, il vient me voir et me dit : « là, je fais un film avec Depardieu et Giraudeau puis après je réfléchis à quelque chose pour toi ». Peu de temps après, il m’appelle et me propose de m’envoyer le scénario de Tenue de soirée. Et là, j’apprends que Bernard a décliné le rôle au dernier moment. Et je comprends que Bertrand me le propose. Je demande alors à Bertrand comment il compte faire puisque je n’ai pas spécialement le physique et le style de jeu de Bernard… « Quand on change d’acteur, mieux vaut changer complètement de point de vue », me répond- il.

Il faut se souvenir que c'était un film très gonflé pour l'époque, notamment pour son traitement de l'homosexualité...  

Devant les rushes, on pleurait de rire, tout en ayant peur qu'à la sortie du film, les gens nous crachent à la gueule. Particulièrement le milieu homosexuel. Mais les homos ont compris qu'on ne se foutait pas d'eux. On a même eu un article dithyrambique dans Gai Pied, titré "Touche pas à la femme Blanc". Puis on a été sélectionnés à Cannes, où j'ai reçu le prix d'interprétation. Avec L'Exercice de l'Etat, ce film tient une place à part dans ma carrière.  

Comment s'est passéla collaboration avec Gérard Depardieu ? 

Lors de notre première rencontre, il m'est rentré dedans. A cette époque, j'avais pour habitude de partir quelques jours à New York avant chaque tournage. Gérard m'a expliqué que ça l'avait fait chier de me savoir là-bas, alors qu'on avait un film à faire. Je lui ai répondu que je fonctionnais ainsi et qu'il ne me changerait pas. Or, comme tous les grands fauves, rien ne l'excite plus que la peur de l'autre. Et comme je n'ai pas eu peur de lui, on est devenus très potes et on s'est régalés sur le tournage. Il s’est toujours montré très prévenant  

Après Tenue de soiréeles propositions ont changé pour vous ?  

Sans doute, mais je ne m'en suis pas vraiment aperçu. Car, assez vite, j'ai joué Monsieur Hireun autre personnage très éloigné de ce que j'avais pu faire. Un rôle écrit par Patrice (Leconte) pour Coluche avant son décès tragique.


 

Mais juste avant Monsieur Hire, vous refusez Quelques jours avec moi, de Claude Sautet. Pour quelle raison ?  

Parce que je n'étais pas le rôle. Ce personnage nécessitait une dimension de séducteur que je n'ai pas. J'ai donc refusé. Ce qui n'est jamais simple. Mon agent m'a pris pour un fou incontrôlable qui n'allait plus leur rapporter un rond ! Personne n'osait m'en parler, car tout le monde était sidéré. Comme le jour où j'ai dit non à Maurice Pialat...

Dans quelles circonstances ?  

J'étais très ami avec son second assistant qui m'a téléphoné un jour pour me dire que Pialat pensait à moi pour un rôle et que je devrais l'appeler. Mais connaissant sa réputation, je savais que si je me mettais d'emblée dans une position de demandeur, j'étais cuit. J'ai donc répondu à mon ami que je serais ravi que lui m'appelle. Et, bien entendu, je n'ai jamais eu de nouvelles !   Mais j'ai eu ma petite revanche. J'étais à Cannes l'année de sa Palme d'or pour Sous le soleil de Satan. Gérard Depardieu m'a invité à leur table au dîner qui a suivi le palmarès. Il m'a présenté à Pialat qui m'a demandé pourquoi j'avais refusé de jouer dans son film. Je me suis régalé à lui répondre: "Mais vous vouliez me proposer un rôle? Je ne savais pas... Vous auriez dû m'appeler, j'aurais été ravi !" Il ne m'en a plus reparlé.  

Après Monsieur Hire, on vous a soudain moins vu comme acteur. Est-ce une volonté de votre part ?  

Je considère le personnage de Monsieur Hire comme mon premier grand rôle de composition. Et dans la foulée, j’ai en effet peu tourné comme comédien tout simplement parce qu’on me proposait des rôles moins intéressants.  

Étiez-vous inquiet de ne plus jouer ?  

Non, car j'ai la chance de pouvoir écrire. Ce qui m'occupe plus que de jouer.  

Pourquoi alors avoir laisser passer dix ans entre vos deux premières réalisations, Marche à l'ombre et Grosse fatigue ?  

J'ai mis longtemps à me libérer du blocage du type qui, après un succès, ne veut pas refaire le même film, tout en doutant d'être capable d'écrire autre chose. J’avais l’idée de parler du rapport étrange entre le public et les célébrités. Mais j’ai mis du temps à trouver comment. J’ai essayé sans succès d’abord avec Josiane Balasko puis Jacques Audiard que j'ai fait souffrir tellement je ne savais pas où je voulais aller. Là, le producteur Patrice Ledoux a eu l'idée de nous réunir, Bertrand (Blier) et moi, pour que je réalise un film que Bertrand écrirait. J'étais hyper flatté. Mais à force d'avoir une idée dingue toutes les deux secondes, Bertrand est impossible à suivre et on finit par ne plus échanger ! J'ai donc jeté l'éponge. Mais Bertrand a eu une idée décisive sur le sujet : celle de faire jouer leur propre rôle à des acteurs. Cette mise en abîme changeait tout. Tout cela a donc continué à me trotter dans un coin de la tête. Et quand j’ai appris que Gérard (Depardieu) voilait récupérer le projet, je m’en suis réemparé en m’inspirant donc des trouvailles de Bertrand. Et j’ai été extrêmement touché de recevoir le prix du scénario à Cannes.