Plus de 20 ans après Mission ; Cléopâtre, le réalisateur revient à l'univers du petit Gaulois moustachu, mais en version animée, dans une série pétrie de trouvailles réjouissantes, mixant encore une fois l'esprit Chabat avec celui de la BD.
Quand Alain Chabat s'empare de nos Gaulois préférés, la potion magique fait un effet du tonnerre ! L'homme qui nous avait déjà offert l'indétrônable Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre (toujours le meilleur long-métrage Astérix, ne nous voilons pas la face) revient cette fois via l’animation pour adapter Le Combat des Chefs. Et après visionnage des trois premiers épisodes - projetés hier soir en avant-première événement au festival Séries Mania - c'est un sans-faute.
La mini-série réalisée avec Fabrice Joubert (qui sortira le 30 avril prochain) propose une adaptation qui, tout en restant fidèle à l'album emblématique de Goscinny et Uderzo, s'autorise des libertés rafraîchissantes qui enrichissent l'univers gaulois. César n'a pas encore envahi la Gaule, mais Chabat a déjà conquis le cœur des fans.

Visuellement, c'est une claque (romaine). À mi-chemin entre la 2D et la 3D, le style graphique adopté est rond, chaleureux et dynamique. Les personnages bénéficient d'un volume saisissant qui les fait littéralement sortir de l'écran. Mêlant habilement les techniques, le style reproduit le trait d'Uderzo tout en le réinventant - avec respect ! Couleurs pétantes, contrastes audacieux et décors minutieux apportent une nouvelle vie au village gaulois.
Dans le registre de la pure mise en scène, la série monte en puissance et c'est l'épisode 3 qui mérite une mention spéciale. Cette pépite parvient à fusionner l'esprit cartoon déjanté Warner Bros, le sentiment d'aventure des grands films épiques et le respect scrupuleux de l'album original. Quand un Romain vole à travers l'écran après un coup de poing gaulois bien placé, on croirait voir Vil Coyote propulsé par dynamite. Tex Avery et Chuck Jones acquiesceraient d'un hochement de tête appréciateur. Uderzo et Goscinny aussi…
Mais l'intérêt de cette série n'est pas que dans sa réalisation. En osant explorer la jeunesse d'Astérix et Obélix dans le premier épisode, Chabat commet l'équivalent gaulois d'un crime de lèse-majesté – et ça fonctionne ! À part une case célèbre chez les fans dans Comment Obélix est tombé dans la marmite quand il était petit, ce territoire restait pratiquement inexploré. On découvre un Astérix miniature déjà futé comme un renard, et un petit Obélix sensible et maladroit, trimballant un chien en bois à roulettes déjà baptisé Idéfix. La scène de la chute dans la marmite prend enfin vie, et l'émotion prend le pas sur le rire.

Si les designs des jeunes héros sont parfaits, ce sont surtout les voix et l'interprétation qui touchent. La complicité naissante entre les deux gamins explique toute la profondeur de leur amitié adulte, donnant un sens nouveau à chacune de leurs chamailleries futures sur le partage des sangliers.
L'humour si particulier de Chabat se marie parfaitement avec celui de Goscinny. De l'absurde aux jeux de mots en passant par les anachronismes savoureux, tout y est. Le dialogue crépite de trouvailles jubilatoires. Saviez-vous que ce qui rend la potion vraiment magique, c'est "l'homard et fraise" ? Ce genre de perle fait rire les mômes pour son absurdité et les parents pour l’astuce bien sentie. C'est précisément ce qui fait la marque de fabrique d'Astérix et de Chabat depuis toujours : un humour multi-couches qui séduit toutes les générations.
La mère de César (doublée magnifiquement par Jérôme Commandeur) est un petit bijou comique à elle seule. Cette matriarche romaine autoritaire rabroue son fiston conquérant avec une telle maestria qu'on en viendrait presque à plaindre le pauvre Jules.

Contrairement à Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, où les Égyptiens volaient souvent la vedette à nos Gaulois (Numérobis et sa clique étaient tellement charismatiques qu'on peut les comprendre), Le Combat des Chefs recentre l'action sur le village. Les banquets, les bagarres, les running gags – tout ce qui fait le sel de la série est magnifié par une mise en scène énergique qui donne envie de taper joyeusement sur un légionnaire. La modernisation est intelligente sans être gratuite. Les effets spéciaux transforment nos Gaulois en véritables super-héros avec une force qui "claque à l'écran". Les bruits sont écrits comme dans les albums, des références à Star Wars apparaissent furtivement, et même des publicités gallo-romaines sur mosaïques viennent pimenter l'ensemble. Le tout porté par des musiques et un casting vocal impeccable.
En plaçant l'amitié Astérix-Obélix au centre du récit, Chabat touche à l'universel. Ce duo n'est plus juste une paire de personnages complémentaires, mais bien le moteur émotionnel de toute l'histoire. Leur complicité est traitée avec tendresse sans jamais tomber dans la guimauve.

Astérix et Obélix : Le Combat des Chefs réussit ce tour de force : être fidèle à l'esprit originel tout en apportant sa touche de nouveauté. Après Mission Cléopâtre, qui avait redéfini l'adaptation en prises de vues réelles, Chabat prouve qu'il est à l'Astérix ce que Panoramix est à la potion magique : le seul à en maîtriser vraiment la formule.
Cette mini-série risque bien de marquer durablement le paysage de l'animation française – et de rendre fous les Romains qui pensaient que la série, après plus de soixante ans, commençait à s'essouffler. L'univers d'Astérix recèle encore des trésors narratifs inexploités.
Astérix et Obélix : Le Combat des Chefs, mini-série en 5 épisodes à voir sur Netflix le 30 avril prochain.
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