Dans cette comédie sur la malbouffe, ils jouent un père et son fils. Entre ces deux géants, le tournage de L'Aile ou la cuisse, diffusé ce soir à 21h05 sur France 3, aurait pu tourner au vinaigre. Le réalisateur Claude Zidi raconte…
En 1976, Louis de Funès, 62 ans, est une immense star et Coluche, 32 ans, le comique qui monte. Comment s’est passé la rencontre ?
Claude Zidi : Une anecdote la résume : au début du tournage, alors que je faisais le premier plan des deux acteurs face à face, Louis éclate de rire. Interloqué, Coluche lui demande pourquoi. De Funès répond : "Car vous êtes très drôle…" Alors Coluche, d’un ton très sérieux, lâche : "Vous savez, on ne pourra pas faire ce film si vous rigolez à chaque fois que je suis drôle. S’il vous plaît, Louis, ne recommencez plus jamais !" Il imposait son territoire, avec raison. Je pense que de Funès a fait exprès de rire pour tester son partenaire. Après cet incident, ils se sont montrés d’un professionnalisme impeccable.
Est-il vrai que de Funès, qui se remettait d’un double infarctus, tournait entouré d’une équipe médicale ?
Les assurances avaient imposé à Christian Fechner, le producteur, un médecin réanimateur sur le plateau. Elles m’ont aussi fait signer un contrat dans lequel je ne touchais mon cachet qu’à la fin du film. Histoire d’être sûr que tout se passe bien avec Louis. Heureusement, il tenait une forme olympique : j’étais plus fatigué que lui…
Le détestable personnage Tricatel est inspiré de l’industriel Jacques Borel, pionnier de la restauration rapide en France. Vous n’aviez pas peur des procès ?
Non, car Tricatel est un personnage de pure fiction. Avant le film, je suis, hélas, allé déjeuner dans un restoroute Jacques Borel : c’était immonde, vraiment immonde, et cette mauvaise bouffe m’a inspiré pour l’écriture du scénario.
Julien Guiomar, qui incarne Tricatel, est décédé en novembre dernier… [cet entretien a été donné en 2011, NDLR]
Il laisse un grand vide. C’était un régal de tourner avec cet homme charmant, cultivé, immense acteur et poète dans l’âme. Julien était aux antipodes de Tricatel. Il restera aussi dans mon cœur l’inoubliable commissaire Blorel des Ripoux.
Charles Duchemin (Louis de Funès) est le patron d’un célèbre guide gastronomique rouge. Vous avez enquêté sur le guide Michelin pour le scénario ?
Ma fréquentation assidue des bonnes tables parisiennes a suffi à nourrir mon histoire. Le titre du film est d’ailleurs né dans un excellent restaurant, Le Petit Colombier, rue des Acacias, dans le dix-septième arrondissement. Son chef, Bernard Fournier, me propose une volaille en me demandant: "L’aile ou la cuisse ?"
La scène où De Funès et Coluche pénètrent dans l’usine Tricatel aurait été tournée dans l’immense complexe de Pernod-Ricard, à Créteil…
C’est vrai. Christian Fechner s’est débrouillé pour que nous puissions travailler dans ce lieu gigantesque, au design futuriste. Nous avons également fait des plans volés dans des grues, sur les chantiers autour de l’usine…
Au début des années 80, vous réalisez deux autres grands succès, Inspecteur la Bavure et Banzaï, avec Coluche. Qu’aimiez-vous en lui ?
Je l’avais repéré à ses débuts, quand il se produisait dans des petites salles parisiennes. J’aimais son incroyable inventivité : Michel était capable d’imaginer un univers, des personnages et des gags inédits. Perfectionniste, il se promenait toujours avec un magnétophone pour enregistrer ses idées sur le vif. Il avait la trempe d’un grand acteur.
Interview Jean-Baptiste Drouet pour Télé 7 Jours
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