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Célébré pour les audaces stylistiques de L'Apollonide ou de Saint Laurent, Bertrand Bonello avait réalisé ces dernières années des films moins en vue. Mais avec La Bête, libre adaptation du roman d’Henry James La Bête dans la jungle, il signe un flamboyant mélodrame aux airs futuristes où une grande histoire d’amour contrariée se déploie sur trois temporalités. En l’an 2044, alors que l’Intelligence Artificielle domine le monde et supprime les émotions humaines, une certaine Gabrielle doit en effet replonger dans ses vies antérieures pour se débarrasser de ses affects. Elle se trouve alors confrontée à un amour qui traverse les âges et entre en interaction avec un soupirant nommé Louis, à la fois dans le Paris érudit de 1910 et dans le Los Angeles paranoïaque de 2014. Bonello parvient miraculeusement à dépeindre trois époques aux atmosphères et aux tonalités très différentes, tout en gardant un fil rouge émotionnel mêlant la peur d’aimer et la certitude qu’une catastrophe va arriver. Cette cohérence sentimentale est rendue possible par la sidérante performance de Léa Seydoux, dont le visage offre une brûlante palette d’émois et d’angoisses face à un George MacKay (1917) fascinant de retenue froide. On se souvient aussi que le rôle masculin devait être tenu par Gaspard Ulliel avant son décès en 2022. Les dernières images sonnent ainsi comme un déchirant cri de détresse face à la disparition de cet acteur à qui le film est dédié. Jusqu’au bout, Bonello nous bouleverse et nous console. Tout à la fois.