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En 1979, six mois avec la révolution islamique, l’incendie criminelle d’une salle de cinéma à Abadan à l’ouest de l’Iran, aurait précipité la chute du Shah. Si les véritables intentions des pyromanes n’ont été révélées, le bilan lui est connu : 478 morts. Ces informations le cinéaste Shahram Mokri (Fish and Cat, Invasion…) les place en exergue de son film.
Careless crime débute par un magnifique plan séquence qui nous place d’emblée sur les cimes d’un vertige. Nous sommes dans une salle de cinéma où des hommes sont en train de prendre des mesures pour optimiser l’espace. La caméra dans un léger mouvement d’appareil délaisse ce réel à priori insignifiant et cadre le grand écran sur lequel est projeté un film, lançant une première mise en abîme du récit. La narration va dès lors former des boucles incessantes sur trois temporalités différentes. Autant de projections d’espaces et de temps que le montage parvient à placer sur un même plan ou à plutôt à unifier. Au cœur même de ces rondes narratives, la caméra, errante, à l’image de ce protagoniste hébété pris dans les rets d’un complot dont il ne parvient pas à s’extraire, cherche constamment à fixer d’autres écrans pour mieux s’évader et se (nous) perdre. Shahram Mokri dont Abbas Kiarostami saluait le travail, ne cherche pas ici la reconstitution d’un évènement fondateur pour en révéler les mystères et y voir d’éventuelles répercussions possibles. Non, ce qui s’opère ici, c’est la façon dont l’outil cinéma ensorcelle et permet de relier par un fil invisible les êtres et les choses. Si le cinéma est bien le territoire des ombres et du mensonge, le dévoilement d’une vérité ne peut être un but en soi. Un parfait envoûtement.