La Vie et rien d'autre de Bertrand Tavernier
Etienne George- Little Bear- Hachette Premiere et Cie- Films A2- Tamasa Distribution- Netflix

La plateforme propose à partir du 1er mars plusieurs longs métrages du cinéaste dont ces trois sommets de sa carrière

Le Juge et l’assassin (1975)

Pour son troisième long métrage, Bertrand Tavernier s’empare de l’histoire vraie d’un serial- killer - considéré comme le Jack l’éventreur français - que lui avait racontée le scénariste Pierre Bost sur le tournage de son premier film, L’Horloger de Saint- Paul. En l’occurrence, Joseph Vacher (rebaptisé ici Bouvier) révoqué de l’armée à cause de ses excès de violence qui, en ressortant encore plus enragé de l’hôpital psychiatrique où on l’avait enfermé, commettra plus de 20 assassinats entre 1894 et 1897 avant d’être arrêté puis condamné à mort. Comme le titre de son film l’indique, Tavernier ne s’intéresse pas ici à la traque de celui qu’on avait surnommé « l’éventreur du Sud- Est » mais à son procès. Et plus particulièrement au face-à-face entre ce criminel et le juge qui s’était mis sur ses traces. Le film est passionnant par le trouble qu’il suscite, son refus de toute complaisance manichéenne et la manière fine avec laquelle le toujours très engagé Tavernier dénonce, derrière les actes terribles de Bouvier, la responsabilité de la société qui a engendré un tel monstre. Face à un Philippe Noiret impérial de cynisme, Michel Galabru livrait ici – en total contre- emploi la plus impressionnante et la plus illuminée composition de sa carrière qui lui a valu un César du meilleur acteur en 1977 face à… Alain Delon, Gérard Depardieu et Patrick Dewaere !


Coup de torchon (1981)

Dix ans de réflexion et dix mois de négociations serrées avec la veuve de l’écrivain furent nécessaires à Bertrand Tavernier pour mettre en route l’adaptation du roman 1275 âmes de Jim Thompson (qu’Alain Corneau avait tenter en vain avant lui de porter à l’écran avec la collaboration de Thompson lui- même pour en faire son premier film) en transposant son intrigue d’un petit village du sud des Etats- Unis dans la seconde moitié des années 1910 à la France africaine coloniale de l’avant seconde guerre mondiale. On y suit le basculement dans la folie ordinaire de Lucien Cordier, unique policier d’une petite bourgade, ouvertement trompé par sa femme et risée de tous. Cette fable bouffonne dépeignant brillamment aussi bien une société de privilégiés que la révolte incontrôlable de ceux qu’elle avilit respecte à la lettre le ton du livre d’origine, aussi puissamment noir qu’irrésistiblement drôle. Ce portrait d’une France réactionnaire à bout de souffle – qui flirte souvent avec le surréalisme et n’a pas pris une ride – avait pris à rebrousse- poil nombre des critiques de l’époque avant de repartir bredouille des César malgré ses 12 nominations puis de devenir au fil du temps un film- culte. Les prestations de Philippe Noiret, Isabelle Huppert, Stéphane Audran, Jean- Pierre Marielle et Eddy Mitchell n’y sont pas pour rien.


La Vie et rien d’autre (1989)

Un sommet d’émotions rentrées. Un film d’amour où domine l’incapacité d’exprimer ses sentiments, au cœur d’un sujet historique. Voilà comment on pourrait résumer ce si romanesque et passionnel face- à- face entre un Commandant (Philippe Noiret) chargé de trouver après la Première Guerre Mondiale le poilu qui sera le soldat inconnu enterré sous l’Arc de Triomphe et une femme (Sabine Azéma, son héroïne d’Un dimanche à la campagne pour un rôle écrit pour Fanny Ardant qui, enceinte, dut y renoncer) en quête désespérée de son mari disparu dans les tranchées. Ce projet né de l’effarement du cinéaste en découvrant qu’il existait encore à la fin des années 80 350 000 disparus non identifiés au lendemain de la guerre 14-18 eut toutes les peines du monde à voir le jour et se tourna pour un budget réduit au maximum. Avant de devenir le deuxième plus gros succès de la carrière du cinéaste et d’obtenir 2 César dont celui du meilleur acteur pour Philippe Noiret (face notamment à Gérard Depardieu pour Trop belle pour toi et Michel Blanc pour Monsieur Hire). Sans doute parce que jamais le si pudique Tavernier n’a à ce point fendu l’armure et osé l’émotion dans une manœuvre magnifiée par la sublime lumière der Bruno de Keyzer, son complice d’Un dimanche à la campagne, Autour de minuit et La Passion Béatrice.


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Disponibles également L’Horloger de Saint- Paul (1974) et Que la fête commence (1975)

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