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Le film de Jacques Audiard mérite la Palme d'or.

Les sélectionneurs auront donc choisi le jour du Seigneur pour balancer les deux premières bombes du festival. D'abord avec Un Prophète de Jacques Audiard. Ensuite avec le nouveau Von Trier, Antichrist. Avec son cinquième film, de loin le meilleur, Audiard confirme son talent de réalisateur. Un Prophète suit le quotidien des six ans de taules de Malik El Djabena et son ascension irrésistible. Jeune et timide, à son arrivée derrière les barreaux, Malik tombe sous la coupe d'un parrain corse (Niels Arestrups, génial) dont il devient immédiatement la chose : homme de main, exécuteur et esclave domestique. Son rite d'initiation : tuer au rasoir une petite frappe qui gênait le Corse. A partir de là, Audiard filme - non - enregistre l'irrésistible ascension de ce Prophète, entre visions prémonitoires, petits délits et grosses embrouilles. Un Prophète est un chef d'oeuvre instantané, un pur film noir, qui emprunte beaucoup aux meilleures séries HBO (Sur Ecoute, Les Sopranos, Oz) avec le style habituel de Audiard (caméra lampe-torche qui fouille l'obscurité, style heurté, caméra à l'épaule, image sombre,...). C'est beau, très bien joué (confirmation sidérante du talent de Tahar Rahim qu'on avait découvert dans La Commune), mais c'est surtout d'une densité ahurissante. De fait, c'est sans doute le meilleur film noir qu'on ait vu en France depuis... depuis quand au fait ? Film de prison, témoignage saisissant sur la taule, film de gangster, récit d'initiation et film de vengeance, Audiard vient de mettre en 2h38 tout le monde d'accord.. Une palme madame la présidente ?

Le lendemain, on découvre Antichrist, précédé d'une réputation sulfureuse. Le nouveau Von Trier est une petite provoc qui raconte l'histoire d'un couple endeuillé, de sorcières démentes et de renard qui parle. Dans un beau noir et blanc contrasté, avec des moments de mise en scène ahurissants, le film lorgne vers Dreyer et Bergman (La Source est clairement citée), mais avec une volonté de choquer le passant un peu éprouvante (torture, baise, et folie à tous les étages). Résultat : le public ricane autant que le cinéaste et les huées se multiplient. On retiendra une scène onanique où Charlotte Gainsbourg se masturbe au pied d'un chêne centenaire et des scènes de sexe assez réalistes... Pour le reste, à part le mini scandale programmé, pas grand chose à se mettre sous la dent.

Entre les deux films, rencontre express avec Johnnie To, réalisateur de Vengeance qui aura bien fait rire les festivaliers. Pur film bis (Johnny Hallyday dans un film HK, rien que ça, c'est déviant), Vengeance déçoit par des problèmes d'écriture (on ne comprend qu'au bout de 40 mn que le personnage principal est en perte de repères et de mémoire), mais lorsque To reprend la main, notamment pour deux gunfights jouissifs, le film redevient extraordinaire.