Dheepan
UGC

Vous avez (re)vu la Palme d'Or 2015 hier soir sur France 2 ?

La deuxième chaîne proposait hier pour la première fois Dheepan, le drame de Jacques Audiard qui a reçu la Palme d'or, en 2015. Une récompense amplement mérité pour Première, qui l'avait acclamé à sa sortie. Petite réflexion pour ceux qui l'ont (re)vu à cette occasion.

Dheepan est une fable douloureuse et puissante [critique]

Dheepan raconte donc l’exode d’un guerrier Tamoul – et de la famille qu’il s’invente pour fuir -  en banlieue parisienne. Sur un tel pitch, on craignait qu’Audiard réalise son grand film sur l’immigration, un genre éminemment casse-gueule dans lequel la démonstration morale l’emporte souvent sur la puissance narrative et sa mise en scène.

Mais dès la scène d’ouverture, Audiard place son film sur un terrain plus mythique et guerrier. Il y a ensuite ce plan étrange où l’on voit Dheepan et d’autres Tamouls avancer d’un pas lent dans un rideau de fumée âcre. Tous portent une coiffe lumineuse sur la tête. Cela dure quelques secondes, durant lesquelles on se demande s'il s'agit d'un ornement tribal que les Tamouls arboreraient lors d’une fête des morts ou un casque guerrier bizarre qui serait l’inverse du camouflage - au contraire là pour effrayer l’ennemi. Défilent à grande vitesse des clichés vaguement colons dans notre cerveau. Juste après on comprend que le fameux casque est à vendre pour quelques euros, comme l’ensemble des gadgets contenus dans la boite accrochée au cou de Dheepan, qui circule entre les tables d’une terrasse parisienne dans l’indifférence vaguement blasée des clients, qui non, ne veulent pas d’un briquet de 50 centimètres à 3 euros, non merci. Du cliché tribal à celui du Sri Lankais vendeur d’œillets et de colifichets qui fuit la police – et Dheepan de courir pour échapper à la garde à vue.

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Rétroactivement on repense à ce plan et toute sa force irrigue désormais notre cerveau. Dheepan est un personnage d’une mythologie de l’exode, un héros tragique qui doit survivre au milieu de toutes les humiliations, un guerrier devenu figurant ancillaire et grotesque des sociétés dites avancées. On repense à son regard durant ces quelques secondes, aussi froid et déterminé que désespéré. Non Dheepan ne sera pas un film social, mais l’histoire d’un homme oublié de son Dieu (Ganesh apparaît dans d’autres plans aussi courts que lourd de sens, tout au long du film), une fable violente et moderne sur la survie. En cinq secondes on comprend aussi que Dheepan sera sans doute autant un drame social qu’un film de guerre. 
Daniel de Almeida


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