Le chef-d'oeuvre de Katsuhiro Ōtomo ressort au cinéma aujourd'hui en version restaurée. Plus beau et pertinent que jamais.
Akira revient donc en salles. Film-totem des années 90, rouge comme un manifeste, Akira n'a pas pris une ride. A sa sortie en 1988, Akira actait le changement de statut de l'animation japonaise, qui avait réussi à s'internationaliser dans les années 80 et allait enfin triompher sur toute la planète. Revoir Akira en 2020, un an après la date du futur où il se situe ("31 ans après la troisième guerre mondiale", et en 2019 comme dans Blade Runner), permet de constater que, aujourd'hui comme en 1988, les visions du réalisateur Katsuhiro Ōtomo mêlant avec une harmonie démente (tout est au même niveau de réel, de l'ours en peluche à l'explosion atomique, annonçant la cohérence artistique du Paprika de Satoshi Kon) analogique et numérique sont aussi fabuleuses que violemment pertinentes : dans les dix premières minutes, en suivant l'affrontement de deux bandes de jeunes bikers à travers la mégalopole de Néo-Tokyo, on y voit un homme mourant se faire déchiqueter par les fusils d'assaut des flics, puis un manifestant inoffensif descendu à bout portant par un policier armé d'un lance-grenade lacrymo. La science-fiction est toujours une façon de raconter le présent : si Ōtomo ira plus loin dans la radicalité (visuelle, politique) dans son fabuleux Cannon Fodder (dans le film anthologique Memories), la temporalité d'Akira n'est pas dépassée.
Où voir la version restaurée d'Akira en 4K ?"De la peur liée au nucléaire et au passé militariste du Japon, à la violence et à l'instabilité politique de l'archipel à la fin des années 1970 et au début des années 1980, Akira a su capturer les traumatismes d'un pays pour en faire une œuvre universelle", résume Stéphanie Chaptal dans sa belle synthèse Hommage à Akira : héritage de l'apocalypse (Ynnis éditions, septembre 2019). De ces traumatismes est née la rage des jeunes héros d'Akira, gobant des pilules de drogues, montés sur de délirantes motos custom, menaçant les autorités à l'aide de leurs pouvoirs psy apocalyptiques et diffusant l'évangile de l'anime sur la Terre. En 1989 (deux ans avant la sortie française d'Akira), Ségolène Royal fustigeait les séries japonaises "stupides et violentes" diffusées à la télévision (c'était une autre époque). Kaneda, le héros d'Akira semblait lui répondre via le slogan de son blouson orné d'une pilule de came : "Good for Health, Bad for Education".
La ressortie du film en 2020 dans une superbe restauration 4K est un nouvel événement (mais un bon) au sein de cette année mouvementée, dont la numérotation agite certains fans de cyberpunk. 2020, c'est l'année où se situe le contexte de l'édition la plus connue du fameux et séminal jeu de rôle Cyberpunk, dont la version en jeu vidéo Cyberpunk 2077 (par le studio de The Witcher, et qui se déroule dans une mégalopole futuriste marquée par une frappe nucléaire, tiens tiens) est prévue pour novembre prochain, avec fracas. Pas sûr qu'il résonne du même fracas révolutionnaire que celui provoqué par l'explosion Akira, qui 32 ans plus tard, "après la troisième guerre mondiale", nous contamine encore de ses retombées.
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