Première
par Sylvestre Picard
Napoléon s’ouvre sur l’exécution de Marie-Antoinette. Et, très vite, on va comprendre que cette intro quelque peu déconnectée du reste raconte qu’on a sous nos yeux une version tronquée du film : 2h40 seulement, alors que Ridley Scott promet depuis des mois une version de plus de 4 heures pour le streaming. Son « Joséphine’s Cut » -un titre qui pourrait, de fait, s’appliquer très bien à la version salles, où l’on découpe les femmes, au propre comme au figuré. Et où Joséphine, celle de l’Empereur (géniale Vanessa Kirby) n’occupe qu’une position périphérique dans un film bizarrement construit à partir d’une série de morceaux de bravoure découpés à la hache et assemblés dans l’ordre, un peu comme une mind map, censée donner une vaste idée -et c’est tout- de la vie de Bonaparte,
Reste que Scott sera toujours un filmeur balaise : cet assemblage hétéroclite est fait de moments souvent colossaux, jouant sur les contrastes -entre ombre et lumière, entre individu et masse, entre anecdote et histoire avec un H. Eternel gamin, politiquement génial et dominé par les femmes, Napoléon fascine au fond moins Scott que de l’inscrire dans de vastes mouvements de cinéma, qu’ils soient faits de batailles, de tractations ou même de sexe. Voir l’Empereur (joué par un Américain, filmé par un Anglais) prendre en levrette Joséphine entre deux batailles permet au moins d’inscrire le film dans la lignée des biopics radicaux seventies (le Cromwell de Ken Hughes, à redécouvrir) : le déboulonnage, c’est déjà pas mal. Si c’est bien filmé, c’est encore mieux. La preuve.