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Plus inspiré que jamais lorsqu’il s’adonne à ses fantasmagories socialistes, Del Toro compose une fable tragique à l’imaginaire exalté et exaltant. On pense à Alice au pays des merveilles, forcément, mais aussi à l’intelligence métaphorique de Miyazaki quand l’onirisme s’empare soudainement du réel. Le festival de Cannes ne s’était pas trompé en convoquant sur la Croisette ce remarquable conte pour adultes. L’oublier au palmarèsprouve qu’il reste un peu de chemin à parcourir au cinéma de genre. Une étape que Guillermo Del Toro se fera sans doute un plaisir de brûler.
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Avec Le Labyrinthe de Pan, le cinéma de Guillermo del Toro atteint une maîtrise, une élégance et une force inédite. Une oeuvre dense, à la fois violente et sensible, simple et complexe, où le merveilleux gagne sur le fascisme.
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- Le Labyrinthe de Pan en images : la galerie photosA priori, il y a deux oeuvres dans la filmographie de Guillermo del Toro. Une tournée vers le spectaculaire, avec ses super héros (Blade 2, 2002 ; Hellboy, 2004), ses références transculturelles (le comics, l'animation japonaise, le cinéma fantastique ou d'horreur) et ses partis pris de mise en scène décomplexés, maniant la surenchère visuelle avec une étonnante complexité. Et une autre (L'Echine du diable, 2001 ; Le Labyrinthe de Pan, 2006), moins moderne en apparence, qui tente une incursion dans l'Histoire et cherche une profondeur méditative ou philosophique que la première, en raison de la gratuité de ses effets, n'aurait pas. Pourtant l'une et l'autre ne sont pas contradictoires et dialoguent entre elles. Ce qui prend l'allure d'une connivence habile et érudite avec le moderne cache un savant tricotage avec le classique. Ainsi chaque oeuvre de del Toro, même la plus codifiée (Blade 2), est une synthèse débordant l'époque représentée, grâce à de nombreux enjeux formels et thématiques.Comme L'Echine du diable, Le Labyrinthe de Pan s'attaque aux heures sombres de l'Espagne, celles du général Franco. Situant le contexte en 1944, au moment où la résistance s'organise et survit en luttant durement contre l'armée fasciste, le film entrecroise à l'Histoire la vie d'Ofélia (Ivana Baquero), une jeune fille rêveuse, bercée par ses contes de fées et dont la mère s'est remariée à Vidal (Sergi Lopez), un autoritaire et sanguinaire capitaine franquiste obsédé par la filiation. Elle est installée avec sa famille dans une maison isolée au coeur d'une forêt et servant de Q.G. à l'armée pour combattre les rebelles qui les entourent. L'enfant solitaire découvre rapidement l'existence d'un étrange labyrinthe peuplé de créatures mythologiques. Son gardien, un faune (créature champêtre proche des satyres), lui révèle alors qu'elle est la princesse disparue d'un monde enchanté dont elle trouvera l'accès via trois épreuves.Il y a dans l'approche de Guillermo del Toro un pari, très osé et risqué, de traiter dans le même plan le fascisme et le merveilleux sans tomber dans la mièvrerie ou la facilité. Au contraire, en juxtaposant l'horreur de la réalité au songe, à la rêverie, Le labyrinthe de Pan fait coexister deux mondes possibles au sein d'un seul univers avec une réelle complexité dans leurs chevauchements continus. Ainsi, même si le film est une oeuvre pleine, fermée et très cohérente, il réussit à ne jamais se laisser enfermer dans l'imaginaire. C'est surtout par sa maîtrise visuelle, parfois époustouflante et où cohabitent élégance du regard et références picturales, que chaque mouvement, chaque lumière, imprègnent le film en justifiant son équilibre et son sens. Reprendre le conte de fées, convoquer son bestiaire, jouer avec son folklore et ses motifs, comme pour nous sauver du fascisme par le merveilleux, c'est un peu une façon d'éclairer d'autres chemins depuis les limbes de l'histoire humaine.Ainsi les transitions et ponts que del Toro crée pour glisser du conte à l'Histoire façonnent une vision du monde où les êtres sont pris dans la complexité de leurs croyances. Ce sont leurs choix, les directions qu'ils suivent qui modélisent leurs rapports aux choses, et leur confèrent une existence, une matérialité. Cette architecture de points de vue produit une densité très forte, structurée sans schématisme. Ainsi l'imbrication du merveilleux dans la réalité, via Ofélia, montre comment l'horreur et la violence engendrent la perte d'innocence et la mort. Une mort que le film, par la foi absolue de del Toro dans la puissance de la fiction, conjure dans une scène finale où Ofélia est sauvée pour l'éternité.Cette oeuvre contient une nécessité et une mesure à prendre avec le plus grand des égards. Le Labyrinthe de Pan n'est pas un film qui tenterait stupidement de marier le sérieux des grands sujets à une idiote idée du genre. C'est au contraire une oeuvre qui, en convoquant la modernité et le classicisme, met à l'épreuve la puissance de la représentation. C'est une conception même de l'homme et de son image que Guillermo del Toro a voulu filmer, en lui rendant une de ses plus grandes dignités : sa naïveté.Bande Annonce (américaine):
Le Labyrinthe de Panenvoyé par traianbasescuLe Labyrinthe de Pan
Réalisé par Guillermo Del Toro
Avec Ivana Baquero, Doug Jones, Sergi Lopez
Espagne, 2006 - 112mn
Sortie en France : 1 novembre 2006[Illustrations : © Pan Européenne Edition]
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- Lire la chronique du Labyrinthe de Pan publiée dans Ecrans, le blog cinéma à sa présentation au 59e Festival de Cannes.
- Lire la chronique de Hellboy, 2004
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