Première
par Frédéric Foubert
Edgar Wright n’a plus envie de rigoler. Last Night in Soho a beau souvent faire l’effet d’un tour de manège euphorisant, il est innervé par une humeur sombre, plutôt inédite chez l’auteur de Shaun of the Dead. Ne pas y voir pour autant un signe que ce film serait celui « de la maturité ». Plus il avance en âge, plus Wright prend soin de mettre en scène des personnages juvéniles, comme pour rester connecté aux émotions adolescentes qui sont le fondement de son cinéma. Après le bien-nommé Baby de Baby Driver, ce nouveau film suit ainsi les pas d’une jeune fille à peine sortie de l’enfance, Eloise (Thomasin McKenzie), qui débarque à Londres avec des rêves fashion plein la tête. Elle aime les Kinks et Audrey Hepburn, et se trouve donc en léger décalage avec les préoccupations de ses camarades de l’école de mode. Via un mystérieux « passage » temporel, elle va se retrouver la nuit venue propulsée dans le Soho des années 60, dans la peau d’une apprentie chanteuse (Anya Taylor-Joy), et découvrir les aspects les plus cauchemardesques du Swinging London. Last Night in Soho s’inscrit dans un mouvement initié par l’affaire Weinstein, qui invite à un nouvel examen de l’histoire du show-business, de ses dessous les plus ignobles, longtemps cachés sous le tapis. Les drames et les larmes derrière le glam. Wright s’y livre avec pour principales boussoles esthétiques – ce qui est assez gonflé – le Marnie d’Hitchcock et Répulsion de Polanski. Comme le Once upon a time…in Hollywood de l’ami Tarantino, c’est un film à la patine fun mais bourré d’idées noires. Un bonbon coloré au goût amer.