Saoirse Ronan commente sa filmo, de Reviens-moi à The Outrun
StudioCanal/Item 7/Universal Pictures/Twentieth Century Fox France

Elle a débuté enfant sur les plateaux. A joué pour Greta Gerwig, Wes Anderson, Peter Jackson ou Joe Wright… Elle brille ce mois-ci dans The Outrun. Saoirse Ronan revient sur ses rôles de femmes libres et modernes.

Saoirse Ronan est une nouvelle fois épatante dans The Outrun, de Nora Fingscheidt (Benni). Nous avons rencontré la comédienne irlandaise, tout juste trentenaire, pour qu'elle nous parle des films marquants de sa carrière, déjà bien remplie.


The Outrun : magistrale Saoirse Ronan [critique]

Reviens-moi DE JOE WRIGHT (2008)
Le rôle du surgissement. Celui d’une aspirante romancière qui, à 13 ans, par un mensonge accusant à tort l’amant de sa sœur aînée d’un crime, provoque un tsunami dans les vies de son entourage. La première nomination à l’Oscar de l’actrice dans un second rôle.

"La première image qui me revient est celle de cet été très chaud au cœur de la campagne anglaise où j’étais la seule enfant au milieu d’adultes. Quelque chose d’idyllique. Une colonie de vacances de rêve où tout ce que vous vivez est démultiplié. Au point qu’une fois le tournage terminé, j’ai fait une petite dépression car j’avais peur de ne plus jamais revoir ces personnes avec qui j’avais passé ces semaines merveilleuses. Évidemment, je ne savais pas à ce moment-là que je tournerais à nouveau avec Joe et il y avait une vraie violence à vivre pour la première fois ce passage abrupt entre ma passion pour un personnage et le retour à la vie normale. Comme si on vous réveillait brutalement d’un rêve sans savoir si un jour on vous donnerait la chance d’en revivre un autre."

Lovely Bones DE PETER JACKSON (2010)
Elle trouve son premier grand rôle dans cette adaptation de La Nostalgie de l’ange d’Alice Sebold, celui d’une jeune fille assassinée qui, depuis l’au-delà, surveille l’avancée de l’enquête et le désarroi absolu de ses parents. Heureux de cette collaboration, Jackson lui proposera de jouer une Elfe dans Le Hobbit, ce qu’elle déclinera pour retrouver Joe Wright dans Hanna en 2011.

"Là aussi, je me souviens des lieux. On a commencé le tournage en Pennsylvanie avant d’embarquer pour la Nouvelle-Zélande où on a passé plus de cinq mois. Peter s’y sentait plus libre car il tournait dans ses propres studios. J’ai d’ailleurs tout de suite compris l’importance qu’il avait en arrivant là-bas. Les gens l’adoraient car il avait changé la place du pays sur la carte du cinéma mondial avec Le Seigneur des anneaux. Il y avait dans leur regard autant d’amour que de respect. Sa force sur Lovely Bones, alors qu’il avait réuni énormément de stars au casting, est d’avoir logé tout le monde à la même enseigne. Il n’y avait pas un car-loge plus gros qu’un autre. Aucun comportement de diva n’était accepté. Je conseille à tout débutant l’école Peter Jackson !"


Reviens-moi est une oeuvre brillante peuplée de comédiens fantastiques

The Grand Budapest Hotel DE WES ANDERSON (2014)
Dans ce récit gigogne, l’actrice joue une apprentie boulangère, fiancée du groom qui deviendra le propriétaire d’un palace rococo durant l’entre-deux-guerres. Le premier de ses deux films avec Wes Anderson, avant The French Dispatch (2021).

"C’est la seule fois à ce jour que de la première version du scénario que j’ai lue au film terminé, pas une virgule n’a changé ! Comment mieux raconter ce génie de la précision qu’est Wes Anderson ? Travailler avec lui, c’est intégrer une famille où, dans un cadre aussi précis, on se sent incroyablement libre. Il suffit de tourner une fois avec lui pour devenir accro car vous ne vivrez ça sur aucun autre plateau. On est ici aux antipodes d’un tournage sur fond vert. Tous les décors ont été construits et peints à la main. En tant qu’acteur, vous n’avez qu’à vous plonger dans la fantaisie créée par Wes et ne penser à rien d’autre que votre jeu et celui de vos partenaires car tout le reste est sous contrôle. Et comme chez Peter [Jackson], le collectif prime. On est tous logés dans le même hôtel et le soir, on dîne tous ensemble. C’est un cocon à nul autre pareil."

Lost River DE RYAN GOSLING (2015)
Avec Eva Mendes et Christina Hendricks, Saoirse Ronan forme le trio féminin
vedette du seul film réalisé à ce jour par Ryan Gosling. Bien que sélectionnée
à Cannes, cette chronique des ravages de la crise économique sur les villes
industrielles américaines ne trouvera pas son public.

"J’ai rencontré Ryan pour la première fois alors que je n’avais que 14 ans, quand il a été
question qu’il joue dans Lovely Bones. À ce moment-là, j’avoue que je le connaissais mal car je n’avais pas vu N’oublie jamais et Half Nelson. Mais on a tout de suite accroché. Et quand je l’ai retrouvé cinq ans plus tard, c’est comme si on reprenait une conversation qui ne s’était jamais interrompue. Sur le plateau, le scénario de Lost River a beaucoup évolué au fil des improvisations. Ryan avait une idée très concrète de tout l’aspect artistique du film. Mais il souhaitait que nos personnages partent de nous plus que du scénario. Je n’avais jamais travaillé ainsi. En tant qu’acteur lui-même, il fait une confiance totale à ceux qu’il a réunis devant sa caméra. Alors que je connais plein de cinéastes qui, mal à l’aise avec les comédiens, ont peur de leur laisser une telle place."


Ryan Gosling : "Je voulais que Lost River soit un trip en soi"

Brooklyn DE JOHN CROWLEY (2016)
Elle franchit un nouveau cap avec cette adaptation d’un roman de l’Irlandais Colm Toibin qui lui vaut sa première nomination à l’Oscar de la meilleure actrice.

"Je ne crois pas avoir tourné un film qui me soit aussi personnel. Car mes parents ont fui l’Irlande en pleine récession dans les années 80 et sont entrés illégalement aux États-Unis, où ils ont vécu sans papiers. C’est la première fois qu’on me confiait un premier rôle depuis des années. Car durant toute une période, l’industrie ne savait pas quoi faire de quelqu’un d’aussi jeune que moi. Mais dès que j’ai lu le scénario, j’ai su comment jouer ce personnage, né à vingt minutes de l’endroit où j’ai moi- même grandi. Une fois engagée, je pensais donc vivre le tournage le plus tranquille de toute ma carrière. Ce fut exactement l’inverse ! Je n’ai jamais rien vécu d’aussi difficile et frustrant. Je ne fais pourtant pas partie de ces comédiens chez qui le processus de jeu passe par la souffrance. Mais ce film a marqué une rupture avec mes années d’enfant actrice où il y avait beaucoup d’inconscience, même si je faisais mon métier très sérieusement. J’ai été percutée par une prise de conscience car j’avais l’impression de porter une grande responsabilité vis-à-vis de ces immigrés irlandais que mon personnage représentait à l’écran. Les deux premières semaines furent un cauchemar. On pouvait faire jusqu’à onze prises par scène. Je croyais que John me trouvait nulle. Et puis j’ai fini par comprendre qu’il ne faisait qu’apporter ici et là des nuances pour que je sois exactement le personnage qu’il avait en tête."

Lady Bird DE GRETA GERWIG (2018)
Une deuxième nomination aux Oscars et un Golden Globe viennent récompenser sa composition d’ado rêvant de s’échapper de sa condition sociale dans le premier long métrage solo de Greta Gerwig. Elle retrouvera la cinéaste pour Les Filles du docteur March (2020), sa troisième nomination à l’Oscar de la meilleure actrice.

"J’ai passé une audition un peu particulière. Je présentais Brooklyn au festival de Toronto et Greta, 20th Century Women de Mike Mills. Greta est une grande admiratrice de la littérature irlandaise, donc de Colm Toibin. C’est sans doute ce qui lui avait donné envie de voir Brooklyn puis de me rencontrer. Je me souviens de mon immense trac lors de notre rendez-vous. J’avais tellement envie de l’impressionner. On a lu le scénario de la première à la dernière ligne. Je savais que c’était une comédie, genre que je n’avais jamais exploré. J’étais donc obsédée par l’idée d’être drôle. Et j’ai vraiment eu le sentiment de ne pas être à la hauteur de ce qu’elle avait écrit. D’ailleurs, quand elle m’a engagée, j’ai cru que j’allais gâcher ce merveilleux scénario. Je ne remercierai jamais assez Greta, comme John, d’avoir suffisamment cru en moi pour me pousser dans mes retranchements."


De Frances Ha à Barbie, retour sur l’irrésistible ascension de Greta Gerwig

The Outrun DE NORA FINGSCHEIDT (2024)
Elle passe pour la première fois à la production avec ce portrait d’une trentenaire tentant de guérir de ses addictions, qui lui a valu le prix d’interprétation au festival Nouvelles Vagues de Biarritz.

"C’est mon compagnon Jack Lowden qui m’a fait découvrir ce livre d’Amy Liptrot pendant le confinement en m’assurant qu’il s’agissait de mon prochain rôle ! J’ai eu le même coup de foudre que lui. Une fois les droits acquis, on s’est mis à la recherche de celui ou celle qui pourrait l’adapter. Le piège était de tomber dans la facilité en cherchant quelqu’un qui avait déjà fait un film dans le même esprit. Mais on ne peut pas enfermer The Outrun dans une case. Cette complexité a d’ailleurs fait peur à beaucoup. Le nom de Nora a surgi car nous avions aimé Benni, son premier film de fiction (elle vient du documentaire). Quand on l’a rencontrée, elle nous a proposé une vision du film que personne ne nous avait présentée jusque-là. Elle voulait l’aborder comme un documentaire sur le personnage principal, avec le plus d’improvisation possible. On a décidé de lui faire confiance et de construire le film au jour le jour. Le produire n’a rien changé à mon travail d’actrice. Ça m’a juste permis de nourrir mon jeu par la connaissance globale que j’avais du projet. Quant à mon rapport à la réalisatrice, il est resté le même. Je l’ai laissée me guider où elle voulait que j’aille."

Saoirse Ronan aurait pu jouer une Elfe dans Le Hobbit de Peter Jackson