C’est quoi, Kristen Stewart ?
Columbia TriStar Films/SND/A24/Metropolitan FilmExport/mk2 Diffusion/Topic Studios/Amazon Prime France

L'ex-star de Twilight est excellente dans ce thriller romantique de Rose Glass.

Tous les chemins mènent à Rome dit-on. Dans le cas de Kristen Stewart, il semble que tous les chemins mènent à Love Lies Bleeding. Sorti ce mercredi 12 juin dans les salles de cinéma, l’actrice de trente-quatre ans s’y impose comme une icône lesbienne digne des plus belles niches à pépites de la pop culture. Dans le second long de Rose Glass, thriller romantique dont elle partage l’affiche avec Katy O’Brian (impressionnante, elle aussi), elle incarne Lou, prise entre la morosité d’une salle de sport estampillée eighties, un beauf(rère) castagneur et une poignée de daddy issues bien enracinées.

Pourtant, avant Love Lies Bleeding, Kristen Stewart, c’est près de vingt-cinq ans de carrière à Hollywood, et un virage abrupt vers le cinéma indépendant. Retour (non exhaustif) sur une carrière et une myriade de personnages, qui permettent peut-être de comprendre comment Lou est devenue “le plus grande rôle de Kristen Stewart”.

Love Lies Bleeding
A24/Metropolitan FilmExport

 

Sarah Altman dans Panic Room (David Fincher, 2002)

Après deux longs-métrages oubliables, Kristen Stewart a douze ans lorsqu’elle fait une entrée fracassante sur le devant de la scène hollywoodienne avec Panic Room. Pour ce thriller de la rédemption, David Fincher, qui tente de racheter le fiasco critique de Fight Club (1999), est prêt à mettre des moyens qui profiteront à la comédienne en herbe. Casting cinq étoiles, check. Dans ce huis clos suffocant, c’est Jodie Foster, grande dame d'Hollywood, qui fait front pour protéger sa fille (Kristen Stewart) d’intrus incarnés par Forest Whitaker, Jared Leto et Dwight Yoakam. Contenu mature, check. Le film, pensé “R” par Fincher malgré les supplications des producteurs, se veut le plus violemment réaliste possible, et la jeune Kristen n’est pas épargnée. Performance, check. Panic Room, c’est un cauchemar éveillé, en temps réel et dans l'obscurité. De quoi impressionner tout jeune acteur. Pourtant, Kristen Stewart ne s’est pas laissée démonter et livre une performance d’une endurance admirable, qui pose des jalons fondamentaux pour sa carrière.

Panic Room
Columbia TriStar Films

 

Bella Swan dans Twilight, chapitre I : Fascination (Catherine Hardwicke, 2009)

“Bleu”, c’est peut-être ce qu’on retient le plus du premier Twilight, en plus de la performance de son actrice principale, dont on adore imiter les mimiques pudiques. Plus indépendant des cinq volets qui composent la franchise mêlant romance, sang et bestiaire fantastique, Fascination est un incontournable du C.V. de Kristen Stewart. Bella Swan, jeune fille morose qui a du mal à créer des liens avec son père (déjà !), rencontre Robert Pattinson en Edward, bellâtre palot (mais pas malade) qui cache un secret résumé par deux paires de canines très pointues et une soif de sang irrépressible. En bref, une adolescente morte-vivante, plus vampire que les vampires, se met à frayer avec eux, dans un univers aseptisé et avec un sens du fantastique qu’on retrouvera plus tard dans la carrière de Kristen Stewart, et notamment dans l’incandescent Love Lies Bleeding, pourtant totalement différent. Il faut parfois explorer un angle pour maîtriser son contraire.

Twilight : Fascination
SND

 

Marylou dans Sur la route (Walter Salles, 2012)

La même année que le dernier volet de Twilight, sort l’adaptation par Walter Salles de Sur la route, roman de Jack Kerouac, et référence sacro-sainte de la Beat Generation. Un monument de la culture américaine qui permet à Kristen Stewart de rompre avec l’image policée de Stephenie Meyer. Fini les chichis, les amourettes, les vampires et les loups-garous. Comme un doigt d’honneur aux teen movies qui l’ont faite, la comédienne incarne Marylou, jeune femme libre de corps et d’esprit, extrémité d’un triangle amoureux (encore !), qui se lance à cœur perdu dans une quête de liberté aux côtés de Sal (Sam Riley) et Dean (Garrett Hedlund). Un rôle de femme, mature, érotique, qui semble pousser beaucoup plus en avant les curseurs d’une persona déjà esquissée dans Into the wild (Sean Penn) en 2007. Cerise sur le gâteau, Sur la route lui ouvre les portes très select de la Croisette en étant sélectionné en compétition à Cannes.

Sur la route
mk2 Diffusion

 

Valentine dans Sils Maria (Olivier Assayas, 2014)

Film de la consécration pour Kristen Stewart, après avoir été sélectionné en compétition à Cannes en 2014, il lui vaut le César de la Meilleure actrice dans un second rôle l’année suivante. Elle prête ses traits à Valentine, assistante de Maria Enders (Juliette Binoche), une actrice de renom qui, passée la barre des quarante ans, se confronte au deuil, et voit un rôle de jeune première lui passer sous le nez. Mise en abîme théâtrale résolument féminine, Sils Maria questionne la puissance du regard, la puissance du non-regard, et le désir ; celui du metteur en scène, mais aussi celui d’un être, pour son alter-ego. Stewart, Binoche et Chloë Grace Moretz forment un trio de femmes qui s’érigent comme des miroirs les unes devant les autres, et qui, une fois n’est pas coutume, constituent les trois faces d’une même médaille.

Kristen Stewart et Juliette Binoche (Sils Maria)
Pallas Film / NFP Carole Bethuel

 

Lady Di dans Spencer (Pablo Larraín, 2021)

Exercice de style auquel on ne s’attendait pas, Kristen Stewart se glisse dans la peau de la Princesse Diana le temps d’un biopic express, concentré sur un week-end, et qui a divisé la critique. On peut dire ce qu’on veut du film, la performance de Kristen Stewart reste extraordinaire, dans le sens le plus littéral du terme. Spencer, c’est deux heures durant lesquelles l’actrice sort véritablement d’elle-même. Deux heures durant lesquelles elle s’efface, se désincarne, laissant place au fantôme d’une icône universelle, à la nostalgie d’une figure pixellisée par les mémoires. En ayant été complètement autre dans ce film, elle a pu être complètement elle dans Love Lies Bleeding. Un jeu auquel tous les acteurs devraient s’amuser : sortir d’eux-mêmes pour mieux y revenir.

Spencer
Neon/Topic Studios/Amazon Prime Video

 

Love Lies Bleeding est en ce moment à découvrir au cinéma.