Au sein de la galaxie Krautrock, avec Neu, Amon Duul II, Tangerine Dream, Ash Ra Tempel et Faust, Can est un des groupes majeurs du siècle passé. Là où ses acolytes allemands n'explorent systématiquement qu'une voie expérimentale, les quatre de Cologne décident de jouer de tous les courants pour évoluer. Et ils préfigurent toutes les directions musicales à venir, dès 1972, avec leur emblématique album Future Days.« Une partie fort substantielle des articles ou essais traitant de Can commence ainsi: 'Peu de groupes ont eu une influence aussi grande que ... Cette affirmation, devenue aujourd'hui lieu commun, n'a cependant jamais semblé aussi pertinente. » (J.Gohsn/Magic)En 1968, à Cologne, cinq personnes se croisent pour former un groupe : un sculpteur-chanteur américain, réfugié en Europe pour échapper à la guerre du Vietnam, Malcolm Mooney, un batteur de free-jazz, Jaki Liebezeit, un guitariste très inspiré du psychédélisme du moment et élève du bassiste hongrois Holger Czukay, Michael Karoli. Le bassiste ainsi que l'organiste Irmin Schmidt sont des élèves du pape de la musique électronique allemande Karlheinz Stockhausen. Le flûtiste David Johnson y fait une brève apparition. A eux cinq, ils synthétisent toutes les directions possible d'un groupe aventureux, l'éducation et la composition musicale en plus. Monster Movie, premier album sorti en 1969 manifeste un intérêt pour le Velvet Underground sur You Doo Right en conjuguant musique de trance, plages électro, guitares inspirée de Syd Barrett et la première marque de la spécificité rythmique du groupe avec un duo basse-batterie époustouflant, sur lequel la voix du chanteur psalmodie 20 minutes de rang. Leur musique atmosphérique leur ouvre les portes des studios de cinéma et ils en profitent pour travailler avec Samuel Fuller et sortir Soundtracks en 1970 qui préfigure le Meddle de Pink Floyd, avec l'envoutante comptine She Brings the Rain. 1971 les voit passer à l'expérimental le plus hard avec Tago Mago, double-album uniquement composé de plages, allant de plus de 4 minutes à une face de LP. Un nouveau chanteur entre en scène, le Japonais Damo Suzuki, chanteur de rue qui chante une langue incompréhensible où l'on reconnaît parfois des traces d'anglais, mais si peu ! Ce tour de force qui emprunte à Zappa et à la musique contemporaine est enregistré entièrement live dans le studio et montre un point de fusion entre les musiciens, quais télépathique dans le jeu et les échanges. Pas mal pour un disque enregistré sur bande deux pistes ! Holger Czukay s'y taille la part du lion au mixage qu'il va petit à petit échanger en lâchant la basse, alors qu'il joue merveilleusement bien acoustique comme électrique. L'année suivante voit le tube Vitamin C assaillir les ondes allemandes avec Ege Bamyasi aussi expérimental, mais au drive plus dans l'air du temps. 1973 et Future Days, Comme un détour dans l'ambient et le chanteur de s'éclipser chez les Témoins de Jéhovah. Cet album dépasse tout ce qui est connu à l'époque, en recherches sonores glissant de climat en climat, sans fin sur les deux faces du LP. Can avait découvert le recette que reprendront plus tard les Future Sound of London et autre Orbital pour les grandes planeries des raves 90's : superpositions et effacements, thèmes qui disparaissent au coin d'une rythmique pour ressurgir plus loin au détour d'une mélodie. Un chef d'oeuvre ! Le groupe donne alors des concerts qui s'amusent à faire surgir, ça et là, des thèmes des albums précédents et jouent comme le Grateful Dead, des heures d'affilé, sans jamais relâcher l'intérêt. Puissant !« Can, le groupe allemand le plus influent du monde... » (T.Jousse /Les Inrocks)De 1974 à 1977, Soon Over Babaluma, Landed, Unlimited Edition, Flow Motion, Saw Delight, Out of Reach et Can les voient expérimenter sur les territoires reggae, disco, et world. Czukay, lassé de son rôle, joue le pertubateur sonore en concert en mixant le groupe en live et en injectant dans le son des samples et des bruits divers. Le groupe a engagé entre temps, deux ex-membres de Traffic, le percussionniste Rebop Kwaku Baah et le bassiste Rosco Gee, assez furieux de ne pas entendre en retour ce qu'ils s'évertuent à jouer. Czukay viré avec perte et fracas, le groupe s'auto-dissout jusqu'en 1985. Mais ses membres s'occupent à divers projets : radio, Tv, BO et sessions ou groupes sont au menu. Et c'est Wim Wenders en leur demandant un titre pour Jusqu'au bout du monde qui les fait sortir Rite Time avec Malcolm Mooney enregistré en 86, mais délivré en 1989. Trop d'ego et de participations externes ne ressoudent pas le groupe qui explose en diverses configurations. Suzuki improvise avec Karoli, Libezeit joue avec Jah Wobble et Bill Laswell, pendant qu'Irmin Schmidt fait de la jungle avec Kumo. On les célèbre à juste titre puisqu'ils sont les inspirateurs de Public Image Limited, the Fall, Radiohead, et même Pavement. Un double-Dvd sorti en 2002 rend hommage au groupe, qui suit de près (1999) un album de remixes et reprises où l'on trouve Sonic Youth et des groupes techno comme Unkle. Micheal Karoli meurt d'un cancer en 2001, peu avant la sortie des hommages.