Le film Pasolini d'Abel Ferrara (The King of New York, Bad Lieutenant) est consacré à la dernière journée du poète et cinéaste italien (Theoreme, L'évangile selon Matthieu), avant son assassinat -dont les mobiles restent encore obscurs- dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975. Pour établir ce portrait, le scénario mêle la post-synchronisation de Saló ou les 120 journées de Sodome, un long entretien livré à la presse, des extraits de son livre posthume Petrole et du scénario Porno Teo Kolossal ainsi que sa rencontre avec Giuseppe Pelosi qui provoquera sa mort sur la plage d'Ostie. Willem Dafoe, modèle idéal Visage émacié et buriné : Willem Dafoe (Spider Man, Antichrist, The Grand Budapest Hotel) semble taillé sur mesure pour incarner l'artiste. Preuve à l'appui avec cette photo publiée par le site de la chaîne Arte qui coproduit le film.Cette ressemblance a-t-elle poussé le réalisateur Abel Ferrara à renouveler pour la quatrième fois leur collaboration après New Rose Hotel, Go go tales4h44 dernier jour sur Terre? L'acteur répond dans un entretien pour Le Monde : "Sans doute, mais elle n’est pas tout. Le fait qu’on ait déjà fait un film à Rome ensemble – Go Go Tales – était important pour Abel. Surtout, il savait que j’avais une connexion avec Pasolini. Je le connais mieux que l’acteur américain moyen. Au festival de Sundance, où des amis me demandaient ce que je préparais, je me suis aperçu qu’ils n’avaient aucune idée de qui il était. C’est sidérant." Pour Abel Ferrara qui confie au journal "sans un acteur, un réalisateur n'est rien", composer avec un comédien conscient du génie de Pasolini est primordial afin d'honorer l'artiste qui a eu un tel impact dans sa carrière. "Ses films ont changé ma vie ! (...) Ses acteurs, pour les Italo-Américains de ma génération, pour Pacino, De Niro, moi, c'était majeur! Avec Ninetto Davoli, on renouait avec nos origines."Honorer Pasolini à travers les acteursLe choix des acteurs est d'ailleurs un premier hommage au célèbre italien. Arte nous informe que Ninetto Davoli, l'un des acteurs fétiches de Pasolini et surtout son grand amour, est au rendez-vous. Il s'est rendu il y a quelques mois, tout comme Dafoe et Ferrara, à la Cinémathèque française à l'occasion de l'exposition consacrée à la figure italienne scandaleuse, aussi pétillant et malicieux à 64 ans qu'à 18 dans Des oiseaux petits et gros où il partageait l'affiche avec l'incontournable acteur italien Totò. Pour son scénario Porno Teo Kolossal, Pasolini voulait retrouver ce duo Ninetto/Toto remplacé par l'écrivain napolitain Eduardo de Filippo à la mort de Toto en 1967. Dans un échange amusant, c'est Ninetto qui incarnera le vieil homme face à Riccardo Scamarcio (petit rôle dans Go go tales, Romanzo Criminale, To Rome with Love), reflet de sa jeunesse, même chevelure noire et bouclée. Pour incarner le jeune prostitué Pelosi accusé du meurtre, Ferrara a embauché un jeune garçon dégoté dans la rue, dans une démarche semblable à son maître qui aimait confronter acteurs amateurs et professionnels comme dans son deuxième film Mamma Roma où Anna Magnani donne la réplique à des acteurs castés dans les rues romaines. Un hommage, pas une imitationL'acteur et le réalisateur précisent qu'il s'agit d'une création et non d'une imitation. Tout réside dans un équilibre pour honorer sa mémoire. Rencontrer des témoins, lire les poèmes et les romans, chercher dans les archives sans pour autant interdire une part d'invention, telle est leur méthode. Ainsi Dafoe se doublera lui-même en italien mais sans tenter de recréer la voix de celui qu'il interprète. L'acteur illustre cet enjeu en prenant pour exemple l'utilisation des dialogues : "Une partie des dialogues vient de choses qu'il a dites, mais on n'a pas cherché à coller à la réalité. On cherche une voie pour exprimer, avec ce qu'on a à notre disposition, qui était cet homme." Avec une production en grande partie française (Thierry Lounas pour Capricci Production et Arte qui co-produit) auprès de Tarantula Scrl (Belgique) et Urania Pictures (Italie.), une date de sortie française ne devrait pas tarder à tomber, d'autant plus que le film vient d'entrer en postproduction. En attendant, nous retrouverons Ferrara -sans doute à Cannes?- pour son film Welcome to New York sur la chute de Dominique Strauss Kahn, trois ans après l'affaire.