Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
PRISCILLA ★★★★☆
De Sofia Coppola
L’essentiel
Parfait contrechamp du Elvis de Luhrmann, Sofia Coppola signe un grand film sur l’emprise qui révèle une comédienne époustouflante : Cailee Spaeny
Elle s’appelle Cailee Spaeny et réussit ici un tour de force. Incarner avec une précision exceptionnelle Priscilla Presley, de ses 14 à ses 29 ans, de sa rencontre avec le King Elvis en 1959 jusqu’à leur séparation en 1972. Le tout sous la direction de Sofia Coppola qui continue à creuser avec superbe le même sillon. Car son Priscilla dialogue avec Virgin suicides, Somewhere et Marie- Antoinette dans cette description d’une jeune femme enfermée dans une cage dorée. Par son parti pris de dépouillement qui nous plonge dans la tête de son héroïne et d’une descente aux enfers dont elle prend peu à peu conscience, Sofia Coppola raconte l’emprise dans un magnifique geste de cinéaste et de sororité mêlés.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
MOI, CAPITAINE ★★★★☆
De Matteo Garrone
Très loin de son Italie natale, le réalisateur de Gomorra suit ici le parcours de Seydou, un jeune sénégalais parti de Dakar avec un copain pour réaliser ses rêves d’Occident. Mais son odyssée va se transformer en cauchemar : Seydou va tomber sur des passeurs escrocs, être rançonné par l’armée puis torturé dans les prisons libyennes avant de prendre la mer sur un rafiot de fortune pour traverser la Méditerranée… Dans ce voyage infernal, Garrone refuse le pensum socio ou le témoignage édifiant et montre de manière inédite la migration – parfois très dure, souvent très violente – à travers les yeux de ceux qui la vivent. Et son Moi, Capitaine qui fonctionne étrangement comme une synthèse de tout son cinéma, s’appuie sur un casting exceptionnel, à commencer par le sidérant Seydou Sarr.
Gaël Golhen
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
JEUNESSE (LE PRINTEMPS) ★★★☆☆
De Wang Bing
Passé maître dans l’art du documentaire au long cours, le chinois Wang Bing explore le quotidien de Zhili, cité entièrement dédiée à la confection textile, où des jeunes garçons et filles viennent travailler jour et nuit dans le but de s’acheter une maison, monter leur propre atelier ou avoir l’argent nécessaire pour fonder une famille. Le résultat se révèle impressionnant. Sans artifice (absence de voix- off…), Wang Bing décortique les mécanismes implacables de l’exploitation d’une main d’œuvre en surnombre. Mais la belle idée du film est de faire dialoguer cet esclavagisme des temps modernes avec l’énergie, la joie de survivre et les histoires d’amour de ces jeunes à peine sortis de l’adolescence. En bousculant l’aspect dickensien de l’œuvre, ce contraste rend le film respirable. Dommage que par le parti pris radical de ne donner des éléments essentiels à la compréhension du propos qu’à la fin du film, Jeunesse se perde parfois dans un côté abscons.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéAMOURS A LA FINLANDAISE ★★★☆☆
De Selma Vilhunen
Les sujets paraissant les plus rebattus se retrouvent parfois éclairés d’une lueur nouvelle. Soit exactement ce que réussit ici la finlandaise Selma Vilhunen en traitant du polyamour de façon sensible et inédite. L’histoire d’une femme mariée qui découvre que son mari a une liaison avec une autre. Mais qui, face au puissant amour perceptible dans ce couple adultère, propose aux intéressés une configuration amoureuse libre se transformant rapidement en quatuor sentimental. L’objectif affiché de cette héroïne, que joue à merveille Alma Pöysti (tête d’affiche du récent Les Feuilles mortes de Kaurismäki), est de préserver les liens affectifs sans les détruire. La protagoniste travaillant dans le milieu politique, ce projet polyamoureux, en rien semblable à un long fleuve tranquille, revendique aussi une portée collective et sociétale, à l’image de ce mélodrame étonnamment calme et apaisant. Une curiosité.
Damien Leblanc
L'USINE, LE BON, LA BRUTE ET LE TRUAND ★★★☆☆
De Marianne Lère Laffitte
En 2019, la dernière usine française à fabriquer du papier recyclé ferme, mettant 217 salariés au chômage. Pour lutter contre la disparition de la structure, trois hommes - deux travailleurs syndiqués et un cadre - se lancent dans un combat acharné pour sauver l’entreprise. Ce documentaire nous fait entrer dans les coulisses de la lutte sociale où des individus s’attaquent aux puissances industrielles gargantuesques. Le bon, la brute et le truand de ce film n’ont pas beaucoup de points communs avec les héros de Sergio Leone, mis à part leur acharnement sans pareil pour rétablir un semblant d’équité. La réalisatrice Marianne Lère Laffitte surprend par son traitement de la musique : des chants populaires ouvriers interprétés comme un opéra. Elle inscrit finement les petites histoires dans la grande et les inconnus dans nos mémoires. Un peu comme dans un western, au fond.
Elias Zabalia
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
IRIS ET LES HOMMES ★★☆☆☆
De Caroline Vignal
Après le solaire Antoinette dans les Cévennes (qui valut un César à Laure Calamy), le duo Caroline Vignal-Laure Calamy se reforme pour une nouvelle comédie centrée sur le désir. On y suit Iris, quadragénaire mariée et mère de deux enfants qui s’ennuie ferme dans son couple et s’inscrit sur une appli de rencontres qui va lui permettre de regonfler sa libido en multipliant les expériences avec des hommes variés. Mais le charme d’Antoinette a ici du mal à opérer. A cause d’une vision des sites manquant cruellement d’inventivité et d’un humour qui se fait poussif. On sent la cinéaste moins inspirée dans les décors parisiens que dans la nature cévenole. Et si Laure Calamy donne le meilleur (jusque dans une scène de comédie musicale), le film rentre finalement dans le rang des comédies ordinaires, tout comme Iris vit une aventure assez banale derrière ses apparences révolutionnaires.
Damien Leblanc
PREMIÈRE N’A PAS AIME
LE PLONGEUR ★☆☆☆☆
De Francis Leclerc
Bienvenue dans The Bear, la nervosité et le génie en moins. Début des années 2000 à Montréal, Stéphane est un métalleux qui du haut de ses 19 ans se découvre un penchant pour les jeux d’argent. De là, il décroche de la fac, perd ses amis, son appart, s’endette à une vitesse record. Pour gagner sa croûte (et continuer à alimenter son addiction), il devient plongeur dans un restaurant italien et découvre le chaos qui règne en cuisine. Problème, le film s’étoffe autour d’un protagoniste qui n’inspire aucune sympathie : en plus d’être un menteur doublé d’un manipulateur, il enchaîne les décisions douteuses. Ajoutez à cela voix off maladroite, thèmes bien trop survolés, et performances bancales et vous obtenez un drôle de film qui, malgré quelques choix intéressants de mise en scène, surprend par son cruel manque de crédibilité... et d’intérêt. Plongeon raté pour Francis Leclerc.
Lucie Chiquer
Et aussi
La Hess, de Alexandre Lemoine- Courx
Night swim de Bryce McGuire
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