Avec une densité exceptionnelle, Pawel Pawlikowski raconte en 1H27 trente ans d’amour fou et tragique.
Pawel Pawlikowski n’en est pas à son coup d’essai. Il a passé la majeure partie de sa vie professionnelle en Europe de l’Ouest, et principalement en Angleterre, où il a tourné des documentaires pour la télé. Mais c’est surtout depuis Ida (2013) qu’il s’est imposé comme un cinéaste majeur, comme s’il avait trouvé avec un sujet personnel ce qui lui avait manqué jusqu’alors. Sur la même lancée, il traite avec Cold War de sa Pologne natale à travers un thème vieux comme la littérature : l’histoire d’amour impossible entre Zula, une chanteuse d’origine rurale et Wiktor, directeur musical d’un programme culturel organisé par le parti. Hélas pour eux, leur naissance, leur éducation, leur classe sociale s’interposent comme autant de barrières, pourtant sensées avoir été abolies par le pouvoir communiste d’après-guerre. Pire, le problème persiste en dehors, notamment dans le Paris jazz et rock’n roll des années 50, comme si les préjugés étaient inscrits de façon ineffaçable dans l’ADN des protagonistes. Présenté au festival de Cannes, il y avait comme un effet d’écho, probablement pas fortuit, avec un autre film de la compétition, Leto, qui comporte quelques éléments communs : la musique encadrée par les autorités, les rapports avec l’occident et jusqu’à la romance impossible. Mais chez Pawlikowski, la forme est autrement musclée, sous tous ses aspects : écriture, mise en scène, direction d’acteurs, photo (en noir et blanc au format carré), relèvent d’une virtuosité sans ostentation. On pourrait citer une dizaine de scènes mémorables, comme celle où la fille danse sur scène et se met à dérailler parce qu’elle a reconnu son amoureux dans le public. Cet art d’en dire plus en en montrant moins aura séduit le jury : le film est reparti avec le prix (mérité) de la mise en scène.
Gérard Delorme
Cold War : "J’avais besoin d’humour et d’ironie pour montrer l’absurdité de l’histoire"
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