La semaine dernière démarrait la série spin off de Breaking Bad, la désormais célèbre Better Call Saul, dont la diffusion des premiers épisodes a explosé les records.
Force est de constater, sans trop spoiler pour ceux qui n’auraient pas vu les deux premiers épisodes (diffusés sur Netflix en France), que Better Call Saul augure du meilleur, à l’heure où il n’y a pas beaucoup de bonnes nouveautés à se mette sous la dent (où sont les True Detective et les Fargo de la saison 2014-2015 ?).Mais peut-on découvrir la série de Vince Gilligan et Peter Gould sans forcément penser à son aînée ? Breaking Bad a tant enthousiasmé les foules, qu’ils soient fans de ses scénarios à rebondissements, de la mise en scènes jubilatoire ou de l’interprétation magistrale, qu’elle est difficilement surpassable. Elle est devenue un phénomène en soi qu’il est impossible d’ignorer. Il y a un avant et un après Breaking Bad, comme il y eut un avant et un après Soprano. Sauf que David Chase, lui, n’a pas eu l’idée de donner un spin off à sa série, alors qu’il y avait pourtant vraiment matière à faire.L’autre différence fondamentale entre Breaking Bad et Better Call Saul est que la première a su construire avec le temps sa propre légende, légende sur laquelle va devoir essayer de surfer la seconde, à défaut d’avoir pour le moment la sienne.On se souvient que la grève des scénaristes avait mis en péril la série de Vince Gilligan dès ses débuts, l’obligeant à réduire le nombre d’épisodes de la saison 1. On se souvient aussi que Jesse Pinkman (Aaron Paul) était à l’origine destiné à mourir à la fin de celle-ci. Que le meilleur épisode de la saison 3 (The Fly) avait été écrit en vitesse afin de combler le nombre promis d’épisodes de la saison 3 pour un coup minime (c’est un huit clos !). Mais surtout, Breaking Bad a toujours été présenté par son créateur comme étant un bloc de cinq saisons (certes là, il a triché) qui raconterait comment Mr Tout-le-monde devient Scarface. Une histoire maîtrisée de bout en bout.Pour Better Call Saul, on navigue plus à vue. Ni Vince Gilligan ni Peter Gould ni la productrice exécutive de la série Melissa Bernstein avec qui nous avons tous parlé n’ont pu nous dire ce qui était prévu. Ni combien de temps durerait la série, ni s'il y avait pour Saul Goodman (Bob Odenkirk) également une analogie sur le parcours à venir du personnage. D’ailleurs, les acteurs eux-mêmes sont inquiets et en premier lieu Bob Odenkirk qui nous avouait la semaine dernière qu’à 52 ans, il ne savait pas encore combien de temps il pourrait réussir à paraître plus jeune que dans Breaking Bad - Better Call Saul se déroule six ans avant la série originale. Il nous a même prévenus : "Il y a des moments dans la série où l’on verra Jimmy/Saul à l’âge de 25/30 ans, ils ont du faire du Photoshop autour de mes yeux pour que ça fonctionne !"Même discours du côté de Jonathan Banks qui nous disait cet été sur le tournage : "Allons, combien d’années me reste-t-il encore ?". Jugeant pathétiques ces acteurs qui refusent de vieillir comme Stallone et ses Expendables : "Avec tout son Botox, Stallone, on dirait une Diva !". Mais Peter Gould et Vince Gilligan sont malins : inutile d’avoir vu Breaking Bad pour apprécier Better Call Saul. C’est certes un plus, comme l’explique ici Bob Odenkirk, mais les deux auteurs sont suffisamment talentueux pour avoir évité cet écueil. Les fans apprécieront les clins d’œil (ahhhh Jimmy/Saul passant en voiture devant la maison de Walter et ce retour de personnages emblématiques…), mais ce ne sont assurément pas les même séries et elle peuvent s'apprécier indépendamment. Après la scène d'intro en noir et blanc, Better Call Saul s’émancipe très rapidement de sa grande sœur, le ton est proche, mais n’est pas le même. On est plus ici dans une histoire qui lorgnerait vers le After Hours de Martin Scorsese ou bien évidement le Fargo des frères Cohen : la chute impitoyable d’un pauvre bougre qui n’avait rien demandé à personne, empêtré dans le sable mouvant de sa propre existence. Là où Breaking Bad, elle, montrait un Walter White (Bryan Cranston) qui fonçait, lui, droit dans le mur, à la manière de Sean Penn dans l'Impasse.C’est jubilatoire à voir, car outre l’écriture au millimètre, la performance de Bob Odenkirk dans le rôle de Jimmy McGill, futur Saul Goodman pleines de subtilités et d’exagérations clownesques, fait quasiment mouche à tous les coups.Better Call Saul promet encore plein de surprises et c’est en cela qu’elle donne envie. Visiblement ses deux co-auteurs ont décidé de s’amuser à surprendre le téléspectateur. Il faut dire qu’ils savent qu’ils leur sont (en partie) acquis et que la chaîne les suit sur (au moins) sur deux saisons. Ils ont donc toutes les cartes en main. Nicolas Bellet
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