L'actrice et réalisatrice n'a pas cherché à coller au "vrai" serial killer Rodney Alcala, ni à la candidate qui lui a fait gagner The Dating Game.
Une femme en jeu, programmé depuis quelques jours sur Netflix, est un thriller efficace, doté d'une mise en scène inspirée et d'un sous-texte malin sur la misogynie ambiante aux Etats-Unis, dans les années 1970. Sa réalisatrice n'est autre que la comédienne Anna Kendrick (Pitch Perfect, Mr. Wolff...), qui s'offre aussi l'un des premiers rôles : celui de Cheryl Bradshaw.
En 1978, cette jeune femme rêvant de devenir actrice a accepté de participer à une émission de télévision maritale populaire : The Dating Game. Avant elle, la comédienne Sally Field (future maman de Forrest Gump) avait été repérée par un plus large public grâce à ce "Tournez Manège" américain, alors pourquoi ne pas tenter sa chance ? L'expérience aurait cependant pu virer au drame, Cheryl ayant choisi comme prétendant ce jour-là un certain Rodney Alcala. Présenté comme un photographe charmant, il se révéla plusieurs mois après la diffusion de l'émission être l'un des serial killers les plus sadiques de l'histoire des Etats-Unis. Il est interprété ici par Daniel Zovatto (It Follows, Don't Breathe...), génial en homme tour à tour charmeur et effrayant, dégageant une aura particulière, comme si on avait mixé Xavier Dolan et Vincent d'Onofrio.
Avant d'en lire plus, attention aux spoilers : une vidéo de l'émission est toujours visible sur le web, et si son contenu est assez différent de celui vu dans le film, mieux vaut découvrir ces extraits après pour ne pas gâcher l'expérience.
En prenant pour point de départ l'émission de télévision à succès, Anna Kendrick sait qu'elle tient un sujet en or, lui permettant de s'éloigner du "simple" portrait de tueur pour proposer au passage une critique de la société américaine, et notamment de la domination masculine, les autres candidats ou le présentateur de l'émission étant par exemple montrés comme sexistes. Elle s'éloigne pour cela de la véritable émission, qui aurait pu lui servir de base.
Les questions à connotation sexuelle étaient-elles trop cash ? Les râles de Rodney Alcala trop explicites, empêchant de le rendre sympathique aux yeux du public actuel ? Pour qu'on comprenne pourquoi elle le choisit – car oui, il a bel et bien gagné !-, Kendrick devait bien le rendre d'une certaine manière charmant, et a choisi de miser plus sur son intelligence que sur son jeu de séduction.
Autre détail qui choque en observant la véritable émission : le look des protagonistes, surtout celui de Cheryl, avec sa permanente datée et sa robe au décolleté plongeant, n'a pas du tout été repris par Kendrick. La question du maquillage et de son changement de robe en coulisses est pourtant bien abordé dans le film, mais d'une autre manière, elle convainc le public par son esprit, ses piques envers les candidats et moins par son aspect sexy. En le mettant trop en avant, celui-ci aurait-il pu masquer les messages de film ? La comédienne et réalisatrice a décidé de s'éloigner de son modèle, ou plutôt de s'en inspirer très librement, piochant des éléments qui servaient son propos et laissant de côté ceux qui auraient été contre-productifs.
Enfin, les coulisses de The Dating Game le jour de l'enregistrement n'étant pas connus, la femme du public (Nicolette Robinson), qui reconnaît le tueur potentiel d'une amie à elle, ne colle pas à la réalité. Elle est là pour représenter les multiples occasions où des proches et victimes n'ont pas été écoutés, car Alcala n'a pas été particulièrement discret au cours de son parcours criminel. Il aurait pu être arrêté bien avant 1979.
Si la forme s'éloigne de la réalité, sur le fond, Kendrick a tout de même respecté l'idée que si le courant était bien passé entre "The Woman of the Hour" et son prétendant à l'antenne, leur complicité à l'écran fut de courte durée, la jeune femme refusant finalement de le retrouver pour partager ensemble leur cadeau : un match de tennis dans un club prestigieux, et non un séjour dans un hôtel luxueux, contrairement à ce qu'on voit dans le film. Elle n'a jamais confié ce qui l'avait précisément inquiétée ou dérangée dans le comportement de cet homme, mais le fait est qu'elle a décliné le cadeau de la production, et qu'elle a bel et bien quitté Hollywood peu de temps après, comme on peut le lire à la toute fin du long métrage.
Concernant les crimes terribles commis par Alcala, là aussi, il a fallu faire des choix : la police dénombre huit meutres confirmés, plus des agressions violentes, mais d'après les nombreuses photos de personnes non identifiées dans son portfolio, il pourrait être lié à environ 130 crimes tout au long des années 1960-1970.
Le film présente de façon assez détaillée ceux de Cornelia Crilley, une hôtesse de l'air qu'il a rencontrée, violée et tuée à New York, en 1971, ainsi que les viols d'une adolescente auto-stoppeuse qu'il a agressée sexuellement le jour de la Saint-Valentin 1979, mais qu'il n'a pas tuée. Comme on peut le voir dans le film, elle a réussi à le raisonner pour qu'il la raccompagne en ville, puis elle s'est enfuie et a appelé la police. Celui-ci a été arrêté... mais relâché peu de temps après. Ce qui lui a permis de tuer une enfant, Robin Christine Samsoe. Un crime particulièrement violent pour lequel il fut finalement arrêté pour de bon, et condamné à mort. Il est décédé en prison, en 2021.
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