Après Personal affairs, la cinéaste continue de raconter la Palestine dans un bijou de comédie dépressive mettant en scène deux voisins aux antipodes l’un de l’autre. Rencontre.
Comment naît l’idée de Fièvre méditerranéenne ?
Maha Haj : J’ai du mal à savoir précisément comment, j’avoue. Je me souviens juste avoir commencé à écrire en étant alors vraiment déprimée à la fois émotionnellement et politiquement car, à ce moment- là, Gaza était une fois encore sous le feu des bombes. J’avais l’impression d’un jour sans fin, je ne voyais aucune lumière au bout du chemin. Et c’est ainsi qu’est né Walid, ce personnage de Palestinien dépressif vivant à Haïfa avec sa femme et ses deux enfants aux velléités littéraires non abouties. En le créant, je me libérais jour après jour du poids qui m’oppressait. Mais je ne savais pas où ce personnage allait m’emmener, qui il allait rencontrer. Il m’a simplement sorti de ma dépression à ce moment- là
Et ce Walid va faire la connaissance de Jalal, son voisin et exact contraire, escroc flamboyant et joyeux. Cet aspect buddy movie est arrivé très tôt à l’écriture ?
Oui car j’ai eu assez vite besoin de quelqu’un qui allait pouvoir soutenir Jalil et le sortir de son état. Il me fallait donc en effet son exact contraire et je me suis régalée à inventer les aventures communes de ces deux dissemblables !
Vous avez pensé très tôt à Amer Hlehel et Ashraf Farah pour les incarner ?
J’ai immédiatement eu en tête Amer pour Walid. Parce que c’est un acteur que j’adore depuis longtemps et que je l’avais déjà dirigé avec bonheur dans Personal affairs. Mais aussi et surtout parce que et que je le voyais spontanément se glisser dans ce personnage dépressif sans en faire quelqu’un de trop noir, en conservant intacte une part de lumière, celle qui émane spontanément de lui et qui fait qu’on l’aime dès qu’il paraît à l’écran. J’ai donc demandé à le rencontrer à ce moment- là et il m’a donné son accord sans même lire une ligne ! Pour le personnage de Jalal, le processus fut bien plus compliqué car je n’avais vraiment aucune idée de qui allait pouvoir l’incarner. J’ai donc multiplié les auditions sans trouver la perle rare jusqu’à quelques mois avant le tournage. Je commençais à stresser jusqu’au jour où Ashraf est entré dans la pièce. Avant même qu’il ouvre la bouche, je savais que je tenais mon Jalal. Il en avait le charisme et l’espièglerie. Et il l’a confirmé brillamment sur le plateau
Vous avez travaillé à la déco de films d’Elia Suleiman. Et on retrouve chez vous ce qui fait le sel de son cinéma : ce talent à distiller de l’humour dans des situations tragiques…
C’est la manière dont je vois et je vis ma vie. Je suis quelqu’un de très sarcastique capable aussi de beaucoup d’autodérision. Au fond, je ne cherche jamais à mettre de la comédie dans mes films, elle vient naturellement. Je ça, je crois, tiens de mon père dont le sens de l’humour est imparable. Et je crois que plus largement les Palestiniens dans leur ensemble sont constitués ainsi. Le rire est le seul moyen de supporter la réalité tragique du quotidien
Votre directeur de la photo est français, Antoine Héberlé. Pourquoi avez- vous fait appel à lui ?
Je le connais depuis 2004 même si on n’avait jamais travaillé ensemble. J’avais particulièrement aimé son travail sur Paradise now et Wajib pour la manière dont il sait traduire en images la lumière des paysages palestiniens. J’ai pensé à lui dès l’écriture de Fièvre méditerranéenne.
Comment avez- vous travaillé ensemble ? En vous appuyant sur des références ?
Je n’aime pas fonctionner par référence, de manière générale. On part vraiment du scénario et des personnages puis des paysages et des décors pour voir comment créer le meilleur des écrins à cette histoire.
Votre monteuse Véronique Lange est aussi française…
Oui c’est une amie depuis des années et elle avait déjà monté Personal affairs
Fièvre méditerranéenne s’est beaucoup modifié à cette étape ?
Pas réellement car le fim est construit par une série de blocs qu’on ne peut guère bouger. Mais Véronique est brillante dans les détails et elle me connaît tellement bien, moi et mon humour, qu’elle sait pointer quand quelque chose cloche et donner du rythme quand un coup de mou se fait sentir.
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