Affiches Films à l'affiche semaine du 1er janvier 2025
Gaumont/ Ad Vitam/ StudioCanal

Ce qu’il faut voir en salles

L’ÉVÉNEMENT
UN OURS DANS LE JURA ★★★☆☆

De Franck Dubosc

L’essentiel

Le cinéaste Franck Dubosc change de genre et signe une comédie noire bien givrée. Touchant et parfaitement jouée. 

Après ses deux films de réalisateur, Tout le monde debout et Rumba la vie, Franck Dubosc a visiblement décidé de changer de genre et de registre. Au début d’Un Ours dans le Jura on suit, en pleine montagne française, des migrants chargés de transporter de la drogue pour un mafieux. Un empalement, un carambolage et quelques coups de feu plus tard, un pauvre type du cru se retrouve avec un paquet de fric trop gros pour lui. C’est le début des emmerdes où le décor n’est pas qu’un prétexte. En donnant un nouveau cadre à son cinéma, Dubosc lui redonne aussi un nouveau coeur. Son regard posé, attentif au réel, crée du relief là où il n'y en pas chez ce gendarme bonhomme et émouvant (Poelvoorde, plein de tendresse), cette femme qui s’ennuie mais qui va progressivement se prendre au jeu (Calamy, speed et fantasque) ou cette flic plus maline que prévue. Car si la comédie noire sur fond immaculée est bien ficelée, c'est en marge de l'intrigue que cet Ours trouve sa vraie carburation. Dans l'intimité engourdie des autochtones. Dans leurs dialogues au ralenti et dans l’attention portés aux détails qui deviennent amusants sans crier gare.

Gaël Golhen

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PREMIÈRE A BEAUCOUP AIME

EEPHUS - LE DERNIER TOUR DE PISTE ★★★★☆

De Carson Lund

Ce premier long de Carson Lund (chef op’ star du collectif indé Omnes Films) chronique le match de deux équipes de baseball amateur, qui se rencontrent pour la toute dernière fois, le terrain de leur petit bled de Nouvelle-Angleterre devant bientôt être remplacé par une école. Ces Américains moyens, pas plus copains que ça, mais indéfectiblement liés par l’habitude de jouer ensemble depuis des années, arpentent leur stade aux couleurs automnales, éclusent des bières, se chambrent, et leur journée faite de longues plages d’attente et de brusques accélérations finit par dessiner une épopée virile alanguie, un peu comme du Howard Hawks lo-fi, minimaliste. Sous ses airs de ne pas y toucher et son humour pince-sans-rire, Eephus raconte brillamment comment certains morceaux d’histoire collective disparaissent, sans tambour ni trompette.

Frédéric Foubert

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PEPE ★★★★☆

De Nelson Carlo de los Santos Arias

Le marketing prétend qu’il s’agit de « l’épopée fantastique » de Pepe, l’hippopotame de Pablo Escobar. C’est à la fois exact et complètement faux. A mille lieux d’un narcofilm putassier Netflix, Pepe est un trip vertigineux tournant autour de son sujet -raconté par la voix aux multiples accents du fantôme de l’animal- sans vraiment le montrer, traitant le pauvre et monstrueux Pepe, trimballé d’Afrique en Colombie comme le monstre du Loch Ness dépaysé dans la jungle d’Apocalypse Now. Rien que ça ? Oui, mais soyez prévenus : Pepe n’a pas gagné l’Ours d’argent à Berlin pour rien. L’expérience de cinéma, qui interroge le mythe en filmant constamment à côté de lui, est radicale (le débat sur le faux et le vrai se fait autour d’une dispute conjugale entre un vieux pêcheur et sa femme, les plans-séquences sont interrompus par des écrans noirs ou blancs…) mais pas loin d’être inoubliable.

Sylvestre Picard

TOTTO-CHAN, LA PETITE FILLE A LA FENÊTRE ★★★★☆

De Shinnosuke Yakuwa

La scolarité mouvementée d’une petite fille pas comme les autres, de 1940 à 1945, tandis que le Japon plonge en pleine guerre. Adaptation d’une autobiographie best-seller par un vétéran de l’animation « pour enfants » nippone (il a signé des tonnes de Doraemon), Totto-chan se définit, un peu comme le Blitz de Steve McQueen, tel un héritier animé de Hope and Glory et Empire du soleil. Totto fout le bordel dans les traditions bien rangées du Japon, entre militarisme à tout crin et obéissance bornée, et trouve refuge dans une école spéciale aux côtés des parias du système. Armé d’une animation canon (les mimiques de Totto, sans cesse en mouvement, sont irrésistibles), le film profite de ses envolées les plus lyriques pour vous confronter comme son héroïne à l’expérience du deuil avec une franchise désarmante.

Sylvestre Picard

 

PREMIÈRE A AIME

BIRD ★★★☆☆

De Andrea Arnold

Bailey a 12 ans et vit dans un squat avec son frère et son père. Bailey pourrait être la petite sœur de l’héroïne de Fish tank, le film qui a révélé Andrea Arnold il y a 15 ans. Car comme les grands cinéastes, elle ne fait au fond que creuser un sillon, ce cinéma social où elle excelle par sa capacité à diriger de jeunes talents (la flamboyante Nykia Adams), à faire corps avec ses héroïnes mais aussi par sa manière de ne jamais enfermer son récit dans le sordide. Une fois la situation posée, la cinéaste montre en effet cette enfant qui, à l'approche de la puberté, cherche à échapper à un déterminisme social et familial. D’abord seule puis accompagnée par un personnage énigmatique qui déboule dans sa vie. Le Bird du titre, semblable à un ange tombé du ciel ou à un super-héros qui aurait perdu ses super-pouvoirs. Et c’est précisément grâce à lui… qu’Andrea Arnold sort de sa zone de confort pour s’aventurer pour la première fois non sans maestria sur le terrain du fantastique. Et ce voyage intrigant n’aurait pas été le même sans l’interprète de Bird, Franz Rogowski, sa liberté de jeu, la poésie qui entourent chacun de ses gestes ou de ses regards.

Thierry Cheze

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LA SOURCE ★★★☆☆

De Meryam Joobeur

Dans un village isolé de Tunisie, un couple a vu leurs deux fils Mehdi et Amine, les abandonner, eux et leur plus jeune frère, pour rejoindre Daesch. Un départ soudain qui les a laissés dévastés. Jusqu’au jour où Mehdi revient accompagné de sa fiancée voilée et leur annonce la mort d’Amine. Que faire face à une telle situation ? Empêtrée dans un dilemme moral, sa mère prend le parti de cacher le couple – et de taire leur présence au policier, pourtant ami de la famille - pour empêcher qu’on lui arrache à nouveau son fils. Un geste qui ne sera évidemment pas sans conséquence. Pour son premier long qui dialogue avec le récent Rabia, Meryam Joobeur aborde ce sujet complexe en créant un contraste entre l’ultra- réalisme de la situation et le traitement onirique assumé de sa mise en images, traduisant ainsi le trouble de cette mère perdant peu à peu ses repères. Et la maîtrise avec laquelle elle s’y emploie force l’admiration

Thierry Cheze

TOUT IRA BIEN ★★★☆☆

De Ray Yeung

Avec un titre pareil on se doute bien que tout ira de travers. Et pourtant, il ne ment pas tout à fait. Car la douceur qui rythme ce récit dramatique diffuse la sensation d’un apaisement possible. A Hong Kong de nos jours, Angie et Pat, la soixantaine souveraine, vivent en couple. La mort soudaine de l’une d’elles va créer des tensions au sein de la famille de la défunte soucieuse de récupérer l’appartement où vivaient amoureusement les deux femmes. Ce drame en chambre avance à pas feutrés tel un film d’Ozu. Le cadre devient peu à peu une prison où coagule le poids des traditions et des convenances dont la force finit par écraser les êtres. Ray Yeung (Un printemps à Hong-Kong) déchausse les gros sabots qu’un tel récit laisser pourtant présager, optant pour la subtilité des sentiments fussent-ils cruels et injustes. Dans une société hongkongaise peu amène pour les LGBT+, un tel film, par son universalité même, est une bonne façon de faire bouger les lignes.

Thomas Baurez

QUEENDOM ★★★☆☆

De Agniia Galdanova

Gena Marvin est une artiste queer se mettant en scène dans des performances impressionnantes où elle prend l’apparence de créatures mutantes, arachnéennes, quasi-alien. Ça ne se passe pas dans un drag show mais dans les rues de la Russie de Poutine. La documentariste Agniia Galdanova l’a suivie de 2019 à 2023, alors que la Russie envahissait l’Ukraine et que ses créations devenaient de plus en plus politiques et courageuses. Queendom est le portrait puissant d’une artiste qui met sa vie en jeu, et transforme à chaque instant cette vie en œuvre d’art.

Frédéric Foubert

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME

L’AMOUR AU PRESENT ★★☆☆☆

De John Crowley

Florence Pugh et Andrew Garfield dans un mélo signé John Crowley (Boy A déjà avec Garfield, Brooklyn). Quatre excellentes raisons pour susciter une vraie curiosité autour de ce récit d’un coup de foudre né… d’un accident et de la passion amoureuse qui en découle, percutée par la maladie. Florence Pugh s’y montre à la hauteur de toutes les attentes, impressionnante de puissance comme de délicatesse au fil des montagnes russes émotionnelles que traverse son personnage de femme chef. Certaines scènes (dont un accouchement) marquent les esprits. Et pourtant, on ne s’abandonne jamais totalement à ce qui se joue à l’écran. La faute à ce choix de récit en flashbacks et flashforwards qui crée des ventres mous à répétition mais donne surtout la sensation d’un artifice visant à protéger à tout prix le récit d’un déferlement d’émotions qui pourrait rimer avec sensiblerie. Ce mélo- là avec ces acteurs- là et ce réalisateur- là aurait mérité quelque chose de plus frontal.

Thierry Cheze

QUIET LIFE ★★☆☆☆

De Alexandros Avranas

Lorsqu’une famille russe se voit refuser sa demande d’asile en Suède, son quotidien déjà austère s’aggrave quand la cadette tombe dans un coma inexpliqué. Si la mise en scène minimaliste et rigide confère au film une atmosphère surréaliste, rien ici ne relève de la science-fiction : le récit évoque le véritable syndrome de résignation qui touche les enfants réfugiés. Mais à vouloir frôler la dystopie tout en éclairant un fait bien réel, Quiet Life s’embrume et perd de vue ce qu'il aspire à dénoncer.

Lucie Chiquer

MAJA, UNE EPOPEE FINLANDAISE ★★☆☆☆

De Tiina Lymi

À quoi ressemblait le monde d’avant le capitalisme ? Sans doute à celui dans lequel évolue Maja, petite tête blonde et personnage principal de cette “épopée” tout droit sortie de la petite maison dans la prairie — version finlandaise. Mariée de force à un pêcheur, la fillette embrasse durant presque trois heures son destin de femme du 19e siècle. Une existence rythmée par la maternité, le travail et la guerre, que le film suit à la trace… sans n’avoir jamais héla un réel point de vue fort sur ce qu’il montre. 

Emma Poesy

 

PREMIÈRE N’A PAS AIME

SIX JOURS ★☆☆☆☆

De Juan Carlos Medina

Six jours. Le délai qu’il reste à un inspecteur pour retrouver l’auteur d’un kidnapping d’enfant qui a tourné au drame avant que l’affaire soit classée. La promesse donc, a priori, d’un film sous tension, dopée par la culpabilité de ce flic d’avoir laissé échapper le meurtrier et la pression mise par la mère du garçon décédé. Promesse hélas non tenue à cause d’un scénario aux rebondissements mal ficelés, à une BO épuisante et à une mise en scène trop rarement inspirée. Juan Carlos Medina n’a toujours pas confirmé les promesses de son premier long, Insensibles.  

Thierry Cheze

MIKA EX MACHINA ★☆☆☆☆

De Déborah Saïag et Mika Tard

Mika Tard (devant et derrière la caméra) retrouve chaque jour sa moto recouverte de divers objets, jusqu’à ce qu’un cadenas planqué dans sa chaîne manque de l’envoyer dans le décor. Débute alors une enquête pour trouver le responsable, avec l’aide de sa bande d’amis queer et féministes échafaudant de la plus farfelue à la plus angoissante des hypothèses. Un petit jeu dont on se sent hélas vite exclu, car se montrant incapable transcender la situation pour raconter, comme ambitionné, quelque chose sur les rapports humains dans notre société.

Thierry Cheze

 

Et aussi

Pyramiden, de Damien Faure

Schirkoa, la cité des fables, de Ishan Schukla

Les Reprises

Les Enchaînés, de Alfred Hitchcock

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