Get Back
Walt Disney Studios Motion Pictures

Plus qu'un documentaire, une expérience immersive de 8 heures, dans la vie des Fab Four, à un moment charnière de leurs carrières respectives. Une oeuvre pour l'Histoire.

C'est un petit trésor cinématographique que Peter Jackson a réalisé avec Get Back. Un travail herculéen de visionnage et de montage, pour arriver à mettre sur pieds le documentaire ultime sur les Beatles. Une véritable expérience de 8 heures aussi fascinante qu'éreintante, à la fois incroyable et (littéralement) étourdissante.

Découpée en trois épisodes s'étalant entre 2h30 et 3 heures pièce, Get Back est un peu à la musique ce que The Last Dance (diffusée l'an dernier sur ESPN et Netflix) est au sport. Sauf que le phénoménal documentaire consacré à Michael Jordan - qui dure à peu près aussi longtemps - avait eu la bonne idée de se présenter comme un récit morcelé entre twists et rebondissements, donnant un rythme narratif exceptionnel à l'histoire de la dernière danse de sa Majesté "MJ".



Celle des Beatles est beaucoup plus brute. Moins sculptée, moins racontée. Dans le troisième épisode de la docu-série, on entend ainsi Paul McCartney se demander ce qu'ils vont faire de toutes ces images : "Il n'y a pas d'histoire dans tout ça", lance-t-il, perspicace. Get Back arrive jusqu'à nous sous la forme d'un monolithe à la densité par moment asphyxiante. On est presque en apnée avec John, Paul, George et Ringo, au fil de discussions à bâtons rompus dont on peine parfois à appréhender le contexte ou l'intérêt.

Les quatre garçons dans le vent aimaient échanger, confronter leurs points de vue, et comme une petite souris ayant réussi à remonter dans le temps, le doc nous offre d'espionner toutes leurs conversations intimes. Un rêve de fan. Un kiff absolu pour tous ceux qui ont un jour fredonné Hey Jude! Évidemment, de cet espèce de voyeurisme naît une puissante excitation, qui s'évapore pourtant après la première heure. Les Beatles (et leur entourage) se disent beaucoup, beaucoup de choses, et tout ce qu'ils se disent n'est pas forcément assimilable pour nos oreilles extérieures. Ni toujours intéressant d'ailleurs.

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Mais Peter Jackson a un parti pris. Il a choisi de montrer au monde un maximum d'images d'époque, exhumées parmi ces soixante heures d'archives exceptionnelles - et 150 heures de captation sonore - enregistrées en 1969 entre le studio de Twickenham et celui de Apple Records, à Londres. Un tournant dans la vie du groupe, essoré par une décennie de succès. Déprimé à l'idée de refaire une tournée. Divisé sur la manière d'aborder la création des nouveaux morceaux, ceux qui composeront leur ultime album : Let it be. Dans le film éponyme sorti en 1970 au cinéma, Michael Lindsay-Hogg avait montré 80 minutes de tout ce qu'il avait filmé. Peter Jackson, lui, a opté pour une version exhaustive. Le montage est ainsi discutable, mais le résultat est sans égal. Le restauration - qui a demandé 4 années de travail - est tellement somptueuse qu'on se perd par moment à croire qu'on regarde un biopic fictif tourné en studio à Hollywood. Le réalisateur du Seigneur des Anneaux a tiré le summum de ce matériau sans pareil, offrant au passage un regard complètement neuf sur les Beatles et leur processus créatif, minutieux, brillant, fascinant. Ou comment du génie naît la magie.

On y redécouvre le groupe mythique au fil de séquences à peine croyables. On assiste par exemple à l'accouchement lent et délicat d'une des plus grandes chansons de tous les temps, quand Paul McCartney joue à ses trois camarades les premières notes de Let it be, dont il n'a pas encore terminé les paroles. Du calme bienveillant de John Lennon à la frustration de George Harrison, en passant par la présence presque spectrale de Yoko Ono et surtout la tangible amitié qui liait ces quatre potes de Liverpool, ce sont des pages entières de la légende qui s'écrivent sous nous yeux. Get Back permettra ainsi de graver dans l'inconscient collectif une vision certainement plus juste de ce qu'étaient les Beatles. Une prouesse cinématographique rare. Une oeuvre pour le monde et pour l'Histoire.