La série reprend les intrigues cultes des livres de R.L. Stine des années 1990 pour s'adresser à la génération Z, mais pas avant 12 ans.
En ce vendredi 13 octobre, Disney+ relance la saga Chair de Poule, toujours à partir des livres "Goosebumps" de R.L. Stine, mais plus tout à fait comme dans les années 1990. A l'époque, il s'agissait d'une anthologie pour les jeunes ados, avec un monstre ou une malédiction s'abattant sur de jeunes gens le temps d'un ou deux épisodes au maximum. Puis le casting changeait dans les suivants, et le public pouvait se faire peur tout en s'amusant, les livres comme la série dosant à merveille les codes de la comédie et de l'horreur pour faire peur aux enfants.
Quand Ryan Gosling, ado, jouait dans Chair de pouleEn 2015 et 2018, deux films sont sortis chez Sony en renouvelant le concept : Jack Black y jouait l'auteur, témoin malgré lui de l'apparition de ses multiples créatures cauchemardesques dans le monde réel. Plus portés sur l'aspect comique que sur la flippe, ces deux opus avaient la bonne idée de jouer avec l'image de l'écrivain, présenté tout du long comme "un Stephen King pour enfants". Ils offraient deux comédies idéales pour passer une bonne soirée de Halloween en famille.
Chair de Poule : Jack Black est parfait, comme d’habitude [critique]Nouveau changement de concept cette année avec une nouvelle série de huit épisodes : les cinq premiers sont à voir dès aujourd'hui sur la plateforme, puis les trois suivants seront proposés chaque mercredi d'octobre jusqu'à Halloween. Surprise ! Ils s'accompagnent d'une interdiction aux moins de 12 ans (et même -14 aux Etats-Unis, sur Hulu, la série étant initialement produite par Sony et non Disney, qui est ici simple diffuseur). Ce qui change radicalement l'ambiance de Chair de poule, jusqu'ici pensé comme des histoires pour mettre un premier pas dans la littérature et/ou le cinéma d'horreur. Autre changement de taille, ce n'est plus une anthologie, mais une histoire linéaire, suivant les mêmes personnages de A à Z.
"Plus effrayant que dans vos souvenirs"
L'action débute en 1993, soit pile la période de publication des ouvrages qui l'inspirent : Dangereuses photos, Le Masque hanté, L'Horloge maudite ou l'incontournable Nuit des Pantins. Un lycéen disparaît dans d'étranges circonstances, et trente ans plus tard, son fantôme va revenir hanter les enfants de ses camarades de classe. En provoquant d'abord des phénomènes surnaturels qui les ciblera un par un. Dans le premier épisode, Isaiah (Zack Morris, vu dans EastEnders) le quaterback populaire qui veut à tout prix obtenir une bourse d'étude, trouve un appareil photo dont les clichés prédisent des drames. Dans le suivant, Isabella (Ana Yi Puig, de Bull), qui se sent invisible aux yeux des autres lycéens, trouve un masque capable de lui redonner confiance, mais aussi de prendre peu à peu le contrôle sur elle. La troisième histoire suit James (Miles McKenna, repéré dans Good Girls Get High), ado queer qui va revivre la même soirée en boucle, chaque "reset" lui créant un double maléfique à affronter. Et ainsi de suite, jusqu'à ce que le public se soit familiarisé avec les cinq héros de ce nouveau récit.
On comprend vite que tous ces maléfices sont liés à la maison dans laquelle est mort le jeune homme trois décennies plus tôt, et qui est aujourd'hui habitée par un nouveau prof d'anglais (Justin Long). A partir de l'épisode 5, l'intrigue alterne entre séquences modernes et souvenirs du passé, et gagne en épaisseur, les décisions des aînés ayant de lourdes conséquences sur la vie de leurs propres enfants.
Une série sous influences, entre Riverdale, X-Files et Stranger Things
Cette nouvelle vision de Chair de poule est clairement conçue comme une série moderne, qui s'adresse à la génération Z en reprenant ses codes, ses expressions, sa diversité... Tout en abordant des problèmes universels ressentis par les ados de toutes les générations. Sur ce point, c'est assez réussi : même si les interprètes des ados de 15 ans ont clairement entre 20 et 25 ans, ils sont de plus en plus convaincants au fil des épisodes. Notamment Miles McKenna, un comédien transgenre devenu une star de YouTube grâce à ses vidéos racontant sa transition avec humour et légèreté depuis 2011, particulièrement juste et touchant. Parmi les aînés, Justin Long, qui a déjà prouvé son goût pour l'horreur (Jeepers Creepers, Jusqu'en enfer, Barbarian...) et la comédie (Idiocracy, Dodgeball...) s'amuse comme un fou en prof flippant.
Globalement, l'aspect comique marche bien, justement grâce à l'implication des acteurs, qui ne semblent pas avoir à se forcer pour se faire marrer entre eux grâce à de bonnes vannes, à base de références pop ou liées à l'évolution de la société. De X-Files à l'addiction aux portables en passant par Thor, Catwoman ou les "nepo babies", tout y passe ! C'est sur ce point qu'on sent le plus la patte de ses créateurs, Nicholas Stoller et Rob Letterman : le premier est notamment célèbre pour Sans Sarah rien ne va, Les Muppets ou Bros, et le second a contribué à Chair de Poule le film ou Pokemon : Detective Pikachu.
Le duo a visiblement lu, vu et digéré la saga Goosebumps, ce qui leur permet de multiplier les clins d'oeil aux romans. Ils auraient pu aller encore plus loin dans le délire (comme pour Hocus Pocus 2, autre "revival" des années 1990 sorti à Halloween dernier sur la même plateforme, qui poussait le curseur comique à fond) ou la série Chucky, qui va plus loin dans le trash. Mais ne boudons pas notre plaisir : ce show parvient à créer une bonne ambiance et donne plusieurs fois le sourire entre deux "jumps scares" et mauvais sorts.
On rigole, on rigole... malheureusement la partie horrifique est moins efficace, pas aidée par des effets spéciaux peu crédibles (une auto-combustion grossièrement créée en numérique dès le pilote, par exemple). Certes, la série des années 1990 était déjà connue pour ses VFX "cheap", mais cela s'intégrait mieux aux histoires courtes et fauchées, et les masques ou maquillages étaient tout de même souvent assez soignés pour faire peur aux enfants.
Ici, en s'adressant à un public plus mûr, Chair de Poule cible des spectateurs qui s'y connaissent déjà en films et séries d'horreur... et n'évite pas la comparaison avec des modèles plus impressionnants. Stranger Things, notamment, est clairement l'une des références de ce Goosebumps 2.0, avec ses ados réveillant une créature maléfique qui va impacter aussi bien leur quotidien que celui de leurs parents. Sauf que la série de Netfllix parvient mieux à construire ses séquences et monstres graphiques, parfois franchement flippants. Là, ça reste plus gentillet.
Difficile d'avoir peur pour les héros quand on ne croit pas visuellement en la menace ou que l'histoire linéaire laisse penser qu'on suivra tous ces personnages jusqu'au bout. Cela minimise aussi les cliffhangers, les histoires de la première série se terminant souvent par une scène choc, démarche qui a moins d'impact avec des épisodes à suivre, où l'effet est immédiatement cassé par des explications.
Les tentatives d'aborder des thématiques pour adultes sont notables (traiter du deuil, du divorce, ect.), mais n'arrivent jamais à la cheville de The Haunting of Hill House, par exemple, un modèle du genre en terme de drame horrifique.
En changeant radicalement de formule pour s'adresser à un nouveau public, les créateurs se compliquent la tache et signent finalement une série plus pour enfants, mais pas pour adultes non plus, ni pour des ados déjà accros aux films d'horreur. C'est tout de même assez accrocheur pour qu'on ait envie de voir la suite -pour percer les mystères de cette histoire de fantôme, et surtout pour voir la nouvelle version de Slappy, le pantin maléfique, teasé sur l'affiche mais pas encore visible dans les premiers épisodes- mais pas assez pour donner véritablement la chair de poule...
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