Le réalisateur nous raconte les prouesses de son acteur principal et des cascadeurs qui prennent tous les risques sur les tournages.
Première : The Fall Guy présente les cascadeurs comme des artisans héroïques, les petites mains consciencieuses indispensables au bon fonctionnement de la machine hollywoodienne. Et pourtant tout leur travail est de se rendre invisibles pour le public. Vous vouliez réparer cette injustice ?
David Leitch : Exactement. On visite le système hollywoodien à travers ses coulisses : je tenais à montrer que les cascadeurs bossent dur et sont loin d’être des privilégiés. Dans le film, on les voit se farcir des journées de quinze heures sans jamais se plaindre. Pourquoi ? Parce ce sont des cols bleus amoureux du cinéma, qui citent des dialogues de films pendant qu’ils font des films. Aucun d’entre eux ne bosse sur un tournage pour l’argent. Ils veulent juste participer à la création d’un objet très spécial, qui finira par toucher les gens dans une salle obscure. Des héros de l’ombre qui font des choses à peine croyables sans jamais goûter à la reconnaissance. Sans eux, le spectacle n’aurait pas la même saveur. Donc il s’agissait autant de célébrer ces hommes et ces femmes que l’art de cascade.
Art qui, aujourd’hui, se fait très souvent bouloter par les effets spéciaux numériques…
Certes. Je ne vais pas cracher sur les VFX, ça permet de faire des choses vraiment dingues. D’ailleurs une équipe chargée des effets visuels a bien entendu bossé sur le film… Mais il était impensable de ne pas faire nos propres cascades à l’ancienne : on a vraiment fait sauter une voiture sur une soixantaine de mètres, on a vraiment fait une chute libre de 45 mètres et on a vraiment mis le feu à des gens (Rires.) Parce que c’était l’objet du film mais aussi parce que je crois sincèrement que le cinéma est meilleur ainsi. Je préfère la cascade live. Ça sent le vrai, il y a des enjeux. En que fan de cinéma d’action, je ne jure que par ça. J’ai acquis une certitude en près de trente ans de métier : je veux voir le danger de mes propres yeux, pas un truc fabriqué par ordinateur. C’est pour ça que je suis fou de Jackie Chan et de tous ces films old school : l’humain se donne.
Quelle genre de star de cinéma action est Ryan Gosling ?
Il a ce que peu d’acteurs ont : une vista comique par croyable, une belle gueule, un timing impeccable et le physique pour assumer l’action. Ryan va toujours au-delà de ce qu’on lui demande. On l’a traîné sur un pont à 50 km/h, on l’a balancé d’un immeuble… Mais je ne vais pas faire comme si c’était lui sur chaque plan : il a intentionnellement décidé de laisser aux cascadeurs professionnels les plus gros morceaux. Par respect pour eux et parce qu'on avait les meilleurs du monde pour faire le boulot.
Étrangement, j’ai souvent pensé à Babylon de Damien Chazelle en voyant The Fall Guy…
Marrant. La comparaison me plaît beaucoup. Il me semble qu’on se rejoint dans la représentation de moments charnières dans l’histoire hollywoodienne. Pour Damien c’était le passage au parlant, pour moi c’est la révolution du numérique face à la cascade faite à la main.
Et vous partagez une vision émerveillée de la création des images, tout en faisant un commentaire assez acide sur le milieu quand les caméras s’éteignent. Je pense notamment à la façon dont vous dépeignez les émissaires des studios et les grandes stars imbues d’elles-mêmes…
La réalité dépasse souvent la fiction à Hollywood, et j’avoue que c’était assez rigolo à mettre en scène. Disons que j’ai entendu pas mal d’histoires, mais je me suis rarement retrouvé face une célébrité aussi dingue que celle qu’on voit dans le film (Rires.) On a réutilisé plein d’anecdotes qui circulent dans le milieu. Et puis, vous savez, quand on est dans ce business, on croise des personnalités larger than life, dont certaines sont complètement égocentriques. Généralement, c’est ceux qui ne sont pas aussi connus qu’ils le croient qui ont un melon pas possible (Rires.) Le genre de mec qui se la pète pour rien. Pour autant, tout ça n’est pas à lire comme une charge contre Hollywood.
Il est quand même amusant de noter que les seuls gens « biens » dans le film font le métier de réalisateur ou de cascadeur !
(Rires.) Ouais, OK. Mais ça n’est pas aussi cathartique pour moi que ça en a l’air. Promis !
The Fall Guy, de David Leitch, avec Ryan Gosling, Emily Blunt... Actuellement au cinéma.
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