Premier film du cinéaste depuis Gone Girl, en 2014, ce portrait du scénariste de Citizen Kane, Herman J. Mankiewicz, sera visible sur Netflix le 4 décembre.
1 / C’est la première fois qu’on attend un nouveau Fincher aussi longtemps
Six ans se seront donc écoulés depuis Gone Girl, l’adaptation du thriller de Gillian Flynn avec Rosamund Pike et Ben Affleck. Soit la plus longue "pause" de la carrière de David Fincher, un an de plus que la période déjà interminable qui avait séparé Panic Room (2002) de Zodiac (2007). La différence, cette fois-ci, c’est que le fait de ne pas signer de films ne l’a pas empêché d’être omniprésent : le génie control-freak a bossé d’arrache-pied sur les deux premières saisons de la série Netflix Mindhunter et a produit, toujours pour Netflix, l’anthologie animée de son pote Tim Miller, Love, Death + Robots, un projet qui réactivait sa vieille obsession pour Métal Hurlant. Il a aussi planché sur des longs qui n’ont finalement pas vu le jour, comme cette suite de World War Z avec l’ami Brad Pitt. On le sait depuis longtemps : les films non réalisés par David Fincher font partie intégrante de la légende du cinéaste et sont presque aussi importants que ceux qu’il finit par tourner.
2 / Le script de Mank a été écrit par Jack Fincher, le père du réalisateur
Les fans de David Fincher savent que son père a été journaliste, rédacteur en chef du magazine Life à San Francisco dans les années 70 – l’intérêt du cinéaste pour le journalisme californien et seventies était l’un des fondements de Zodiac. Mais Fincher Senior (décédé en 2003) a aussi été scénariste, auteur de plusieurs scripts dont aucun ne fut porté à l’écran : l’un sur Howard Hughes (rendu caduc par le Aviator de Scorsese), un autre sur le couple Keanes (les héros du Big Eyes de Tim Burton)… Et Mank, donc, le préféré de son fils, écrit au début des 90s, un portrait du scénariste Herman J. Mankiewicz au moment où il rédige Citizen Kane pour Orson Welles.
3 / Dans les années 90, Mank a failli être tourné avec Kevin Spacey et Jodie Foster
Mank est l’un des plus vieux dream projects de David Fincher, qui projetait déjà de le tourner dans les années 90. Le rêve avait failli devenir réalité juste après The Game (1997), avec Kevin Spacey dans le rôle de Mankiewicz et Jodie Foster dans celui de Marion Davies (actrice et fiancée du magnat de la presse William Randolph Hearst – le modèle de Kane – un rôle finalement tenu aujourd’hui par Amanda Seyfried). A la même époque, un téléfilm HBO intitulé RKO 281, racontant lui aussi la genèse de Citizen Kane, était également en production (avec Liev Schreiber en Orson Welles et John Malkovich en Herman Mankiewicz). "On a essayé de faire le film, expliquait Fincher au magazine Empire en 2009. Mais il coûtait trop cher. On avait l’opportunité de le faire pour quelque chose comme 13 millions, en 1998 et, hum, je plaide coupable, je voulais le faire en noir et blanc (Rires) ! Et ça a foutu en l’air les deals pour l’exploitation télé et vidéo." A la place, Fincher a fait Fight Club. On ne se plaint pas.
4 / Gary Oldman a été filmé "au naturel"
"Gary au naturel" (en français dans le texte) : c’est ainsi que David Fincher a souhaité filmer son acteur Gary Oldman. Pas de maquillages ni de prothèses pour incarner Herman Mankiewicz. Ce qui a été un choc pour l’acteur, récemment oscarisé pour sa performance en Winston Churchill dans Les Heures sombres, où il disparaissait totalement sous le make-up. "Je me suis dit : « Oh, putain ! », a expliqué l’acteur à Empire. Je n’arrive pas à me rappeler la dernière fois que ça m’est arrivé. J’ai toujours quelque chose ! Ça m’a fait douter. Je ne ressemble pas du tout à Mank. Tom Burke a des airs d’Orson Welles, Amanda Seyfried ressemble un peu à Marion Davies et Charles Dance a ce maquillage blême qui le fait ressembler à Hearst. Mais je n’avais rien à quoi me raccrocher. Puis quand on a commencé, je me suis dit : « Ouais, Dave avait raison. » Pas d’artifice. Pas de triche."
5 / C’est le premier film de Fincher en noir et blanc, mais pas sa première réalisation en noir et blanc
Du noir et blanc dans l’œuvre de Fincher ? Si on se limite à la liste de ses longs-métrages, il n’y en avait pas avant Mank. Mais le cinéaste s’est en réalité affranchi de la couleur très tôt dans sa carrière, dès ses années de clippeur-star eighties, en signant notamment deux clips N&B pour Madonna : celui de Vogue et surtout Oh Father, une vidéo bourrée de clins d’œil visuels à… Citizen Kane !
Plus récemment, Fincher a tourné en noir et blanc un clip pour Justin Timberlake (Suit & Tie, 2013), des pubs pour Calvin Klein avec Rooney Mara, ainsi qu’une série de pubs pour Gap, en 2014, qui lui ont permis, comme le relèvent les fins limiers du site The Fincher Analyst, d’expérimenter la RED Monochrome, qui se trouve être la caméra avec laquelle il a filmé Mank. A noter que c’est la première fois depuis L’Etrange Histoire de Benjamin Button, en 2008, que la photo d’un film de Fincher ne sera pas signée par le fidèle Jeff Cronenweth, mais par Erik Messerschmidt, qui a bossé sur la saison 2 de Mindhunter.
6 / Le film entend nous faire voyager dans le temps
Le premier trailer du film, dévoilé la semaine dernière, montre bien que David Fincher semble ici à la recherche d’une vibe ouvertement rétro. Comme il le dit lui-même : "Si tu veux faire voyager les gens dans les temps, le noir et blanc est un putain d’atout." Et si Mank a été shooté en numérique, l’image a ensuite été "abîmée" en post-production, pour donner au film son atmosphère années 30. Le son sera en mono, et Trent Reznor et Atticus Ross (compositeurs attitrés de Fincher depuis The Social Network) se sont astreints à n’utiliser pour leur BO que des instruments existant à l’époque. Pas de nappes de synthé anxiogènes à prévoir, donc. Ni de reprise explosive de Led Zeppelin.
7 / Le film va peut-être énerver les fans d’Orson Welles
L’arrivée imminente de Mank excite bien évidemment tout particulièrement les fanatiques d’Orson Welles, certains d’entre eux s’inquiétant de savoir à quelle sauce va être mangé leur idole. La question de la véritable paternité du script de Citizen Kane est en effet une pomme de discorde cinéphile majeure depuis des décennies. On murmure dans les cercles spécialisés (notamment du côté du site wellesnet.com) que Jack Fincher se serait basé sur les thèses développées par la critique Pauline Kael dans son fameux essai Raising Kane, qui défendait l’idée selon laquelle Mankiewicz était la véritable force créative derrière Citizen Kane. Une allégation qui fit à l’époque bondir les fidèles de Welles (Peter Bogdanovich en tête) et qui a depuis sérieusement été battue en brèche par les historiens. Fincher va-t-il profiter de son portrait de Mank pour se rallier aux thèses polémiques de Kael et déterrer la hache de guerre ? Derrière la beauté surannée du noir et blanc ultra-léché, derrière le faste de la reconstitution du Old Hollywood, le toujours très punk David Fincher s’apprête-t-il en réalité à déboulonner la statue d’Orson Welles ?
Mank, de David Fincher, avec Gary Oldman, Amanda Seyfried… Sur Netflix le 4 décembre.
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