A l'ouest rien de nouveau
Netflix

Nouvelle adaptation d’un classique adoré, avec son ultra-violence et son nihilisme pacifiste, c’est un triomphe critique. Le A l’ouest rien de nouveau de Netflix devrait bien rafler une pluie d’Oscars.

Nouvelle adaptation et nouveau triomphe. A l’Ouest rien de nouveau sorti l’année dernière sur Netflix est en train de marcher triomphalement vers les Oscars. Rien de nouveau vraiment ? Il s’agit de la troisième adaptation cinéma du roman d’Erich Remarque, un ouvrage tellement puissant dans son évocation des horreurs de la guerre, et tellement animé par son pacifisme, qu’il faisait partie des bouquins systématiquement brûlés par les Nazis. Réalisé par Lewis Milestone, la première version sortie en 1930 rafla l’Oscar du meilleur film. 40 ans plus tard, à la fin des 70’s, une adaptation TV vit le jour avec Ernest Borgnine, Ian Holme, Donald Pleasance et remporta des Golden Globes et des Emmys. Aujourd’hui, comme reparti dans un nouveau cycle générationnel, voilà la version Netflix qui vient de remporter 7 BAFTAS et fait figure de favori aux prochains Oscars.

Mais qu’est-ce qui dans le livre et les films peut expliquer un tel succès ?

Le roman de Remarque s'inscrivait dans la vague de la littérature pacifiste que connaissait l'Allemagne traumatisée par la défaite. Mais son roman dépassait la simple évocation des horreurs de la guerre pour déboucher sur la dénonciation d'un système d'éducation et des mensonges sociaux. Ses héros n’étaient pas des soldats défaits, hagards, mais des gamins de dix-neuf ans qu'on avait entraînés à jouer à la guerre. Et, dans une fin sidérante à l’époque, Remarque concluait par cette déclaration : "Si nous étions rentrés chez nous en 1916, par la douleur et la force de ce que nous avions vécu, nous aurions déclenché une tempête. Si maintenant nous revenons dans nos foyers, nous sommes las, déprimés, vidés, sans racine et sans espoir. Nous ne pourrons plus reprendre le dessus." Cette amertume d'êtres brûlés intérieurement par l'intensité du feu fut ce qui assura le succès du livre et lui attira en même temps la haine des nazis.

A l'ouest rien de nouveau
Netflix

Best-seller immédiat, Hollywood option très vite les droits cinéma. Milestone en réalise une adaptation fidèle et épique qui raconte bien les angoisses existentielles de l’entre-deux guerres - d’ailleurs, lors de sa sortie à Berlin, les activistes nazis manifestèrent devant les salles et sabotèrent les projections pour dénoncer le pacifisme du film alors que le mouvement appelait à la revanche. Plus de quarante ans après, Delbert Mann restait lui aussi très proche du livre et livrait une version qui faisait écho aux récents traumas du Vietnam.

Et voilà donc la version d’Edward Berger. La première réalisée en langue allemande, la première produite pour une plateforme et surtout la première à s’éloigner autant du roman (ce qui lui fut d’ailleurs reproché en Allemagne). Pourtant l’histoire ne perd rien de sa force de frappe ni de son pouvoir de saisissement.

A l’Ouest, rien de nouveau : Netflix dévoile un making-of de son film de guerre

Berger, à la suite de Klimov et de son Requiem pour un massacre, choisit l'hyperréalisme de la reconstitution historique qu’il accompagne d'un traitement esthétique à la beauté terrifiante. Des scènes à la Bruegel s’enchaînent pour nous plonger dans l’enfer de la destruction. De longs plans-séquences à la lumière souvent naturelle apportent un côté ouaté à l’image et font basculer le film du quasi-documentaire vers le lyrisme Tarkovskien (est-ce vraiment un hasard si un prélude de Bach entendu dans Solaris vient soutenir une scène capitale ?). Mais ici, aucun espoir de rédemption divine. D’ailleurs, c’est assumé dès la séquence d'ouverture, sans doute la meilleure scène du film.

Contrairement aux autres versions, cette adaptation commence non pas sur Paul, mais sur une autre recrue. Ce soldat inconnu se fait rapidement tuer par un français. Berger dans une perspective macro saisissante (et qui rappelle le plan générique de Lord of War) va alors suivre l’uniforme de la victime. D’abord nettoyé de sa boue et de son sang, puis transporté à l’arrière, recyclé et stocké, son "voyage" raconte la machinerie de la guerre dans toute son horreur et sa logique capitaliste. L’uniforme arrive finalement entre les mains de Paul qui, naïvement impressionné par les discours nationalistes de ses professeurs et de la population, a décidé de rejoindre le front avec quelques amis. Il pense partir pour quelques semaines. 18 mois plus tard, lui et ses camarades sont soit morts soit traumatisés à vie

A l'ouest rien de nouveau
Netflix

Le voyage de Paul ne surprendra personne, surtout pas ceux qui ont déjà vu un film de guerre (et particulièrement 1917 de Mendes). Son sentier de la gloire s’aventure sur des terrains accidentés : des tranchées, le no mans land, une ferme abandonnée, une ville dévastée, un trou d’obus… Paul progresse au gré des décors, des rencontres et des massacres. Au gré des genres aussi. Le film de guerre bascule dans l’horreur lorsque, ratatiné au fond d’un cratère, Paul exécute un français avant de paniquer quand ce dernier met trop de temps à crever. Il passe parfois par le mélo aussi. Très maitrisé, impeccablement mis en scène (vous n’oublierez pas la séquence du début, celle du cratère, l’invasion des chars dans la tranchée ou la scène de la ferme), le film ne parvient pas toujours à atteindre le degré de visceralité espéré. Il construit du suspens de manière un peu artificiel (l’Armistice sera-t-elle prononcée avant la mort du héros ?) et se limite parfois à un tour de force technique (la gestion des SFX est spectaculaire) dénué d’émotion.

Reste le propos du film, qui un an pile après le début de la guerre en Ukraine, conserve une force symbolique puissante et devrait séduire les membres de l’Académie.

A l’ouest rien de nouveau : Oscars en vue !