Looper
SND

Interview conceptuelle du réalisateur de Looper.

Mise à jour du 3 janvier 2023 : Ce soir, à 23h05, après sa nouvelle série Année Zéro, M6 reprogramme Looper, le film de SF original de Rian Johnson, qui vient de fêter ses 10 ans et qui est d'ailleurs ressorti en blu-ray 4K pour l'occasion. Pour sa sortie française, en octobre 2012, Première avait rencontré le scénariste et metteur en scène, qui a depuis tourné un épisode de Star Wars, Les Derniers Jedi, et connaît un grand succès en ce moment sur Netflix grâce à Glass Onion, sa suite du "whodunit" A couteaux tirés. Flashback.

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Interview du 30 octobre 2012 : Looper mélange avec brio SF et film d’action : en 2072, la Mafia utilise illégalement le voyage dans le temps pour expédier ses victimes 30 ans en arrière où les attendent les loopers, des tueurs à gages qui se débarrassent des corps sans laisser de trace. Mais la Mafia fait le ménage et tout looper est un jour confronté à son moi venu du futur qu'il est obligé de tuer, bouclant ainsi sa boucle (loop signifiant « boucle »). Quand Joe (Joseph Gordon-Levitt) laisse échapper son double du futur (Bruce Willis), la machine se grippe…

C'est sur cette confrontation entre le présent et le futur que repose la mécanique de Looper. Nous avons donc utilisé le voyage dans le temps pour mettre le réalisateur Rian Johnson (Brick, Une arnaque presque parfaite) en présence de son futur lui, qui a quelques révélations à lui faire.

Review : Looper, votre futur moi s'en souviendra

J’ai une confession à te faire : je suis ton futur toi. Je suis Rian Johnson venu de l’an 2070. Mon Dieu ! J’ai perdu du poids, dans le futur.

La technologie de voyage dans le temps que tu montres dans le film est tellement 2012. Pas de gros effets spéciaux, tout dans la suggestion… Aucun des personnages ne devait comprendre comment marche le voyage dans le temps. Pour eux, c’est juste une chose dangereuse et mystérieuse qui leur cause des problèmes. Comme la machine qu’on voit dans le film, juste une boule de métal très old school. On ne sait pas comment elle marche. C’est un cercueil qu’on ne contrôle pas. Pareil, pas de flashs ni de fumée ni de gros effets quand le personnage surgit du futur. Il n’est pas là, puis il est là. C’est tout. C’est plus réaliste. C’est le bon vieux truc de Méliès. On a vu tellement d’effets différents au cinoche… Mais, dis-moi, j’ai eu raison de faire ça comme ça ? Ça marche comme ça dans le futur ?

Pas vraiment, mais je ne peux pas te le dire précisément. Ça va faire des paradoxes temporels. Comme dans tous les films de voyage dans le temps, ça peut vite être le bordel. Comment faire pour garder une storyline claire quand tu écris un film comme Looper ? Je me suis inspiré de Terminator et de Retour vers le futur. Dans ces films, le voyage dans le temps n’est pas expliqué. Pendant deux heures, ils te font croire implicitement que le voyage temporel est possible. Alors que ce n’est pas de la science-fiction, c’est de la fantasy. Comme les dragons ou les licornes. Mon boulot n’est pas de justifier scientifiquement la possibilité du voyage. C’est impossible. Par contre, je devais créer un monde dans lequel le voyage est crédible. C’est comme le coup du polaroïd dans Retour vers le futur, où le personnage de Marty disparaît petit à petit. Si tu y réfléchis deux secondes, c’est complètement absurde. Mais c’est une brillante idée de cinéma qui est très juste en termes d’histoire. On comprend immédiatement l’enjeu.

Je ne me rappelle plus si la grosse scène d’action finale avec Bruce Willis faisait partie de son contrat, ou si elle était déjà écrite avant… Le voyage a dû te causer des problèmes de mémoire. Relis les différentes versions du scénario, la fusillade était là dès le début. Par contre, Joe du futur (Bruce) fait des choses terribles et sombres pendant le film. Et Bruce n’a jamais remis cela en cause ni désapprouvé ces choix d’écriture.

En parlant de choix, tu as dû faire certaines concessions pour des raisons de budget… C’était surtout dans le design de la ville. Mais sinon très peu, car le film se voulait très réaliste. Côté montage, on n’a rien retiré d’essentiel mais on a laissé tomber 35 minutes de bande, tu verras les scènes sur le DVD. J’ai eu la chance jusqu’ici de sortir les films en salles dont le montage me satisfait. Je ne crois pas trop au director’s cut.

Dans le futur, tu y croiras. Ah bon ? Pitié, ne me dis rien.

Tu es sûr ? Et si je te dis que dans le futur, tu vas réaliser un gros blockbuster ? J’espère que c’est Garfield 5 3D. Ou 5D ? Tu peux me dire ce que c’est ? Je préfère que ça reste une surprise, remarque. Aujourd’hui, on peut vraiment faire des trucs passionnants, même dans les films à gros budget. Prends Inception, par exemple. J’adorerais faire un truc pareil : grosse production mais le réalisateur reste maître de l’histoire. Il y a toute une génération de réals qui ont grandi avec Alien ou Blade Runner, et qui essayent de faire des films de science-fiction solides qui associent bonne histoire et bon design visuel. C’est vraiment le bon moment pour être un fan de SF.

Profites-en, ça ne va pas durer. J’oubliais que tu venais du futur. Allez, dis-moi quel est mon futur blockbuster.

Je ne peux pas, ça causerait trop de paradoxes temporels. Alors je vais boucler ma boucle. (bruit de détonation)

Propos recueillis par Sylvestre Picard.