22 contre la Terre
Pixar

Rencontre avec le cinéaste du court métrage Pixar prequel de Soul.

Dans Soul, 22 c’était cette âme qui refusait de s’incarner. Cette petite luciole qui, contrairement à ses semblables, ne veut pas rejoindre la terre et s'incarner. Dans 22 contre la Terre, un court-métrage disponible depuis le 30 avril 2021 sur Disney +, on découvre ce qu'elle faisait avant de croiser la route de Joe, ce pianiste de jazz coincé dans l'Afterlife. Kevin Nolting, monteur attitré de Pete Docter depuis trois films, a en effet imaginé le prequel de Soul dans ce qui est officiellement sa première réalisation animée. Rencontre. 

Kevin, à la base vous êtes monteur. 22 contre la Terre est votre première tentative de réalisation ?

Non, j’avais réalisé des courts en live action, dans le cadre d’événements particuliers. Mais jamais d’animation et j’avoue que cette expérience a été formidable.

C’était votre idée 22 contre la Terre ?

Pas du tout. A la fin de Soul, on a commencé à parler d’un court qui pourrait être lié au film. On fait souvent ça chez Pixar… On a réfléchi à un petit film qu’on mettrait en bonus sur le Blu Ray ou en ligne. J’étais sur le montage du film quand ils ont commencé à se pencher sur les différentes idées donc je n’ai suivi ça que de loin, mais quelques mois plus tard, le projet a pris corps et je suis arrivé !

L’expérience était-elle radicalement différente de ce que vous faisiez en tant que monteur pour le studio ?

Oui, mais pas totalement non plus. La chance qu’on a chez Pixar, c’est qu’on travaille tous ensemble à tous les niveaux. En tant que monteur par exemple, je suis intégré au processus de fabrication dès le début. On est là au moment du développement, on voit les storyboarders travailler et on participe aux dailies de l’équipe d’animation… C’est un studio où le collectif est fondamental. Cette éducation m’a permis de me familiariser avec tous les départements. Par ailleurs, j’ai suivi la fabrication de Soul dès le départ de la production… Donc, j’avais une bonne connaissance du sujet quand même. Mais la vraie différence c’est l’agenda. L’aspect que je retiens de cette expérience, c’est le fait de devoir travailler vite. Quand on est sur un long métrage ce sont des mois voire des années de travail – au point qu’on se dit parfois qu’on aimerait bien changer d’histoire (rires). Là, il faut prendre des décisions très vite, tenir une cadence très élevée. Ca c’était un défi nouveau pour moi.

C’est votre troisième film avec Pete Docter. Qu’est-ce que vous avez appris à ses côté ?

Tout sur l’animation (rires). C’est un homme d’un savoir inépuisable. Et un homme formidable. Travailler à ses côtés est très excitant. Pete cherche d’abord à définir le ton du film, et l’intrigue comme les détails arrivent après. C’est le plus important qu’il m’ait appris: il faut toujours garder le contexte en tête, garder le film en tête même quand on se concentre sur les détails.

Vous avez fait 3 films avec lui. Vous l'avez vu évoluer ?

Il a acquis une extraordinaire maturité avec le temps. Le voir grandir, devenir de plus en plus sur de lui, a été très constructif pour moi. Quand vous réussissez un film qui marche, pour le suivant vous êtes naturellement plus confiant et vous vous laissez la possibilité de faire des erreurs… C’est ce qu’a fait Pete à partir de Là-Haut. C’était génial de le voir acquérir cette liberté, de le voir tenter des choses de plus en plus audacieuses et surtout, c’était magnifique de travailler à ses côtés, parce qu’il nous offrait toujours plus de liberté aussi.

Des trois films que vous avez fait avec Pete Docter, Soul semble avoir été le plus complexe en terme de montage…

Oui ! Il y avait de nombreux défis : les deux mondes, le jazz, les personnages… Et bizarrement, le script de Soul était loin d’être bouclé. Là-haut avait un scénario très ficelé. Sur Vice Versa on savait où on allait. Mais Soul… Soul, on était peu avancé quand on lancé la production. On ne savait pas bien où on allait. On a mis du temps à trouver l’équilibre entre 22 et Joe. Et on ne savait pas trop quelle histoire on allait vraiment raconter. 22 était mieux définie, plus simple à imaginer et conceptualiser. Joe, pfff ! Joe était flou au début. Trouver son histoire, son trajet en tant que personnage a été une aventure très longue et très compliquée.

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Qu’est-ce qui vous a séduit dans 22 ?

Dans Soul, Joe sait depuis le début ce qu’il veut faire dans la vie. Il est obsédé par la musique ; c’est sa vie. Il a un but, une obsession. J’ai l’impression que tout le monde n’est pas forcément comme ça. En tout cas, pas moi ! Du coup je pouvais m’identifier à 22. Je me suis longtemps demandé ce que j’allais faire et quand je voyais des amis, surs d’eux, surs de leur future, très clairs dans leurs choix, j’entendais une petite voix : « et moi, qu’est-ce que je vais faire, moi ? ».

Concrètement, comment s’est passé votre travail sur le court ? Vous aviez les mains libres pour imaginer ce que vous vouliez ?

On ne voulait pas inventer un nouveau décor, ni créer de nouveaux personnages. Evidemment, on ne pouvait pas casser quoique ce soit qui avait été établi dans Soul. Mais comme c’était un prequel, ce n’était pas compliqué… On s’est plutôt amusé à imaginer toute sorte de détails qui n’apparaissaient pas dans le film. Au fond avec ce court on a voulu raconter l’histoire de 22. Elle a perdu ses amis, se sent seule et maintenant elle décide d’agir !

Vous avez montré 22 contre la Terre à Pete Docter ? Vous vous souvenez de sa réaction, de ce qu’il vous a dit ?

Oui, évidemment ! Je me souviens qu’il m’a surtout conseillé d’enlever du gras ! C'est une bonne règle pour tous les monteurs qui veulent devenir réalisateurs. Quand je suis sur une table de montage, j’aime bien dégraisser ce qu'on me donne, aller à l’essentiel. Mais je me suis aperçu que, en tant que cinéaste, on veut toujours en rajouter. Un détail par-ci, une scène par là… Pete m’a fait quelques remarques qui me remettaient dans le droit chemin.