Cloverfield : retour sur J.J. Abrams
Paramount Pictures France

En 2008, Première avait apprécié ce film bien ficelé. Surtout en découvrant son DVD, rempli de bonus intéressants.

Cloverfield est sorti en France le 6 février 2008. Il fête donc cette semaine son 15e anniversaire. Précédé d'excellentes critiques venues d'outre-Atlantique, il avait conquis plus de 800 000 curieux dans les salles de l'Hexagone. Puis encore plusieurs millions durant l'été, grâce à sa diffusion en DVD. Le disc comprenait des bonus intéressants, notamment une fin alternative plus "choc" que celle qui a été choisie pour son montage ciné. "Spectaculaire exercice de style, ce film de monstres urbain donne un coup de vieux à la concurrence, écrivait ainsi Christophe Narbonne dans Première. Le making-of met en avant le culte du secret (procédé marketing hyper efficace) qui a entouré le tournage et la sortie du film. L’une des fins alternatives, sèchement brutale, montre que Matt Reeves aurait pu rendre son film encore plus radical."

Cloverfied a terrifié Steven Spielberg, se souvient Matt Reeves

Depuis ce succès, le producteur J.J. Abrams a poursuivi sa carrière dans la SF, par exemple avec un joli hommage aux productions d'Amblin, Super 8, et en étant embauché sur la saga Star Wars pour conclure la saga Skywalker (ses deux opus, Le Réveil de la Force et L'Ascension de Skywalker, ont cependant divisé le public). Déjà connu depuis une dizaine d’années avant Cloverfield, ce storyteller surdoué a multiplié séries télé ou films à grand spectacle avec un même talent pour assurer son fix hebdo de pop culture aux spectateurs du monde entier. Armageddon (le scénario), Mission  : Impossible III, Star Trek, Alias et Lost ont en commun d’être des paradis pour geeks. A Hollywood, où le geek est désormais so chic, J.J. est devenu l’un des rois.

Comics, SF, série B ou télés… Jeffrey Jacob Abrams a biberonné tous les classiques (les chefs-d’œuvre 70’s de Spielberg et Lucas) et a su mieux que personne recycler tous les mythes de cette culture dans des œuvres audacieuses et visuellement impressionnantes. Dans un texte écrit pour le magazine Wired, Abrams définissait ainsi ce qui l'excitait, le fondement de son oeuvre : "Le mystère est partout. Y a-t-il un Dieu ? Mystère. La vie après la mort ? Mystère."

Bloop, Bloop
Ca tombe bien, le mystère est au cœur de Cloverfield. Réalisé par son protégé Matt Reeves, qui volera grâce à ce succès de ses propres ailes en réalisant des épisodes acclamés de La Planète des Singes avant de s'attaquer à The Batman, ce film de monstre a, comme toute prod’ Abrams qui se respecte, un pitch très malin. Il raconte la destruction de New York par un monstre géant, mais en format caméscope puisque tout est filmé par un New-Yorkais endurant.

L'idée lui serait venue lors d'un voyage à Tokyo. Abrams aurait alors remarqué que tous les magasins de jouets proposaient encore des figurines Godzilla. Impressionné par l’omniprésence de ce monstre dans la culture japonaise, le cinéaste a pensé qu’il serait peut-être temps d’en imaginer une version US… Mais c’est à David Fury (producteur de Lost) qu’on doit l’étincelle : Fury lui parle du Bloop. Le bloop ? Un son d'ultra-basse fréquence, détecté dans l'Océan Pacifique durant l'été 1997, et dont l'origine reste inconnue. Seule explication des scientifiques ? Un animal marin, mais plus grand que la baleine bleue. De là au monstre qui ravage New York, il n’y a qu’un pas que Abrams franchit tranquillement.

Cloverfield est à (re)voir sur Première Max

La fiction au regard du réel
Une campagne marketing virale insensée plus tard, voilà donc Cloverfield. Comme c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes, à partir de ce Bloop, Abrams et Reeves imaginèrent donc un film de monstre qui brasse les influences (Godzilla donc, un soupçon de Blair Witch) et convoque les figures tutélaires de leur panthéon personnel (surtout Spielberg pour ses films d’Aliens – et La Guerre des mondes plus que ET). Mais là où Cloverfield est vraiment réussi, c’est dans ses moments " documentaires", quand il "remake" le 11 septembre. C’est là que le film devient saisissant. Le principe de temps réel et de "pris sur le vif" provoque des shots d’angoisse et de vraie terreur. 

Doté d'un budget officiel de 25 millions de dollars, Cloverfield en a gagné 172 millions dans le monde, en 2008. Un joli carton pour Bad Robot et la Paramount, qui n'allaient logiquement pas s'arrêter en si bon chemin...

10 Cloverfield Lane : l’art de garder le secret sur un film en 2016

Des suites inégales
Après ce succès, une suite de Cloverfield a logiquement été immédiatement à l'étude, mais l'équipe a décidé de ne pas proposer de séquelle "directe", privilégiant plutôt des spin-offs de SF n'ayant a priori rien à voir avec cette oeuvre, mais s'y rattachant par de petits clins d'oeil. Si ça a marché avec 10 Cloverfield Lane (2016), huis clos étouffant qui fonctionne très bien en dehors de ses liens avec le film de 2008, le troisième opus The Cloverfield Paradox, diffusé sur Netflix depuis 2019, fut beaucoup plus bancal. D'autres projets ont failli être rattachés à la saga, comme Overlord ou Sans un bruit, mais finalement, Abrams a préféré miser sur un film inédit de Babak Anvari (Wounds). Dont le contenu est évidemment tenu secret...


The Cloverfield Paradox : comment le film de Netflix se rattache aux autres Cloverfield ?