Tous les jours, entre le film, l'interview et le fait du jour, le point à chaud en direct du 75e festival de Cannes.
La star du jour : Tang Wei
En 2007, Lust, Caution d'Ang Lee lui avait valu d'être blacklistée par les autorités chinoises à cause de certaines scènes de sexe -pourtant coupées par le réalisateur au montage. C'était le premier long-métrage de la mannequin Tang Wei, qui voyait sa carrière écrasée dès l'origine. Le Mann mal-aimé Hacker, la comédie musicale cheloue Office de Johnnie To, Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan, long poème énigmatique et sensuel... Et, enfin, la promesse d'une renaissance dans Decision to Leave de Park Chan-wook, en compétition pour la Palme. Dans cette love story au vernis de film noir, elle incarne une vraie-fausse femme fatale, tragique et romantique, hitchcockienne. Elle est fabuleuse. Une star est (re)née.
La chanson du jour : « Petite » de Renaud (1988) qui clôt Nos Frangins de Rachid Bouchareb.
« Un briquet allumé dans ton petit poing levé. Ton regard qui se noie dans mes yeux délavés. Un keffieh un peu louche jeté sur tes épaules... » La voix du chanteur recouvre la guitare et l’accordéon. Le générique de fin s’apprête à défiler. A l’image, se succèdent des photos d’archives d’une jeunesse endeuillée, sous le choc et révoltée. Fin des années 80, la cohabitation, les manifs contre la loi Devaquet, «et puis ces déchirures à jamais dans ta peau, comme autant de blessures et de coups de couteau. Cicatrices profondes pour Malik et Abdel. Pour nos frangins qui tombent... » Malik Oussekine et Abdel Benyahia, respectivement 22 et 20 ans, ont été tous les deux assassinés dans la nuit du 6 décembre 1986 par des policiers. L’émouvant et pudique long métrage de Rachid Bouchareb, emboîtant le pas de la série Oussekine actuellement disponible sur Disney +, suit en parallèle la douleur des familles des deux victimes. Un père (Samir Guesmi...), une sœur (Lyna Khoudri...), des frères (Reda Kateb, Laïs Salameh...) essaient de comprendre comment ces ados sans histoire ont pu être sauvagement assassinés. Au milieu du chaos, un flic de l’IGPN (Raphaël Personnaz), hante le cadre de sa mine accablée. Le cinéaste d’Indigènes (2006) réussit par une structure narrative intelligente à multiplier les points de vue. Il restitue l’effroi et la stupeur d’une France sonnée par les coups d’une police alors dirigée par le très peu regretté Charles Pasqua. « Garde-leur ton amour. Garde-toi de la haine... », répète Renaud comme un mantra. Frissons sur la croisette.
Le docu du jour : Moonage Daydream de Brett Morgen
Alors que le documentaire musical vit actuellement une sorte d’âge d’or, alimenté par la demande exponentielle de « contenus » (Beatles, Beastie Boys, Sparks, Velvet Underground, Kanye West, Orelsan, il en pleut de partout), David Bowie, l’artiste qui a fait dialoguer les images et la musique mieux que quiconque, méritait bien sûr le sien. Il fallait le faire, et le faire bien. Brett Morgen, spécialiste du genre (il a consacré des films à Kurt Cobain, aux Stones, au producteur Robert Evans), refuse dans Moonage Daydream l’approche biographique et encyclopédique plan-plan et envisage son évocation de l’interprète de Space Oddity comme un voyage. Un voyage aux confins de la galaxie Bowie, immergeant le spectateur dans un impressionnant magma de sons, chansons, archives, photos, extraits de films, performances diverses, résultat d’un extraordinaire travail de montage, où les grandes périodes de la vie de l’artiste (Ziggy, Berlin, les années 80…) sont bien sûr racontées, mais surtout enchevêtrées, entremêlées les unes aux autres. Comme si cette œuvre, qui a souvent été célébrée pour sa capacité à muter et à se régénérer, était enfin considérée comme un grand tout, d’une cohérence suprême, flottant désormais dans un présent perpétuel. Un très beau trip, direction l’infini.
L'interview du jour : David Cronenberg
Présenté en compétition officielle, Les Crimes du futur offre à David Cronenberg l'occasion de revenir à ses obsessions du corps et de la maladie dans un étrange thriller SF testamentaire qui se joue de tout avec malice et ironie. Nous l'avons rencontré.
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